Jérôme Guéry ambitieux pour les Jeux de Tokyo
Jérôme Guéry (41 ans) disputera cet été ses deuxièmes Jeux olympiques consécutifs. Désormais accompagné de Quel Homme de Hus (15 ans), le cavalier de Sart-Dames-Avelines – qui vient d’intégrer le Top 20 mondial pour la première fois – se déplacera à Tokyo avec d’autres ambitions qu’à Rio. Il y visera un podium par équipe ainsi qu’un Top 10 en individuel. Rencontre.
Jérôme, comment as-tu vécu l’annonce de ta sélection pour les Jeux olympiques de Tokyo ?
Avec nos derniers résultats et la forme actuelle de Quel Homme, je savais que nous avions de grandes chances de faire partie de la sélection. C’était malgré tout une joie et un soulagement d’obtenir cette confirmation officielle.
En quoi cette sélection est-elle différente de la précédente, pour les Jeux de Rio ?
C’est différent dans le sens où nous avons cette fois une équipe. Quand je suis rentré de Rio, j’avais un objectif, celui d’aller à Tokyo mais en équipe. C’est ça qui fait la grosse différence par rapport à la précédente olympiade. Du coup, l’objectif pour moi à Tokyo c’est avant tout l’équipe. Bien sûr il y a la compétition individuelle, mais c’est surtout une sélection collective. Nous partons avec une équipe, avec un staff,… et cela donne une autre dimension.
La différence aussi avec Rio, c’est qu’à l’époque je n’avais pas encore participé à un championnat et mon cheval (Ndlr : Grand Cru van de Rozenberg) était lui aussi peu expérimenté. J’allais donc à Rio pour prendre de l’expérience et essayer d’aller en finale, ce qui s’est réalisé. Aujourd’hui, j’ai les Jeux de Rio, deux championnats d’Europe et plusieurs finales de Barcelone derrière moi. Et j’ai aussi un cheval beaucoup plus expérimenté qui a deux championnats à son actif. Nous partons donc avec d’autres objectifs, accessibles et réalistes : une médaille par équipe et un Top 10 en individuel.
Quels souvenirs conserves-tu des Jeux de Rio ?
Il s’agissait de mes premiers Jeux. C’était un rêve d’enfance de pouvoir y participer. Tout athlète en rêve et cela restera gravé en moi. Ce que j’ai adoré, c’est l’esprit des Jeux. Nous sommes tous ensemble, tous les athlètes, toutes disciplines confondues. Nous sommes là pour le sport et pour défendre le drapeau. Dès que j’avais un peu de temps libre, j’allais voir les autres sports, en essayant de suivre les Belges. J’étais par exemple avec Nafi (Ndlr : Nafissatou Thiam, championne olympique en heptathlon) quand elle a gagné. J’ai vraiment été supporter les autres athlètes belges et m’intéresser aux autres sports. C’est la particularité des Jeux. Il n’y a que là que nous sommes en contacts avec les autres athlètes.
Le report des Jeux d’un an, c’était finalement une bonne chose pour toi ?
Honnêtement, cela n’aurait pas changé grand chose. Je pense que j’aurais aussi été dans l’équipe en 2020. J’étais prêt l’année passée et je suis à nouveau prêt cette année. Le report d’un an, cela a juste ajouté un peu plus de stress. Il a fallu reprouver que nous étions prêts… Maintenant, c’est vrai que j’ai pu affiner quelques petits réglages et que cela nous rend peut-être encore plus prêts que nous ne l’étions l’année passée. Pour Pieter Devos, ce report est par contre une catastrophe. L’année passée il était favori pour intégrer l’équipe mais son cheval n’a pas aussi bien sauté cette année et il se retrouve à côté. Cela montre aussi que rien n’était acquis.
L’incertitude qui planait ces derniers mois autour des Jeux n’a pas non plus facilité notre tâche. Nous étions assis entre deux chaises. Nous devions prouver que nous étions en forme, mais sans savoir si la compétition allait se dérouler. J’ai essayé de toujours rester concentré sur mon objectif avec Quel Homme. J’ai suivi mon programme, comme si les JO allaient avoir lieu.
Comment t’es-tu adapté concrètement à ce report ?
C’était compliqué. Mais je me suis préparé comme je m’étais préparé l’année passée, c’est-à-dire avec un objectif bien précis. L’important était de réaliser un plan et de s’y tenir. Cela n’a pas été évident car avec le Covid les concours étaient annulés les uns après les autres. J’adaptais donc mon plan en fonction des compétitions au fur et à mesure des semaines. Il n’y a heureusement plus eu d’annulation ces trois derniers mois. Nous avions un programme assez sûr et nous avons pu nous y tenir.
Le début de saison de Quel Homme est impressionnant. Il est classé sur tous les Grands Prix, a signé deux succès dont un à Knokke au niveau 5 étoiles. Comment expliques-tu cet état de forme ?
Quel Homme était prêt l’année passée. Il était en forme et j’ai essayé de conserver cette forme. A chaque fois, je suis sorti avec un cheval en bonne forme physique et en bonne forme mentale. On voit que c’est un cheval régulier quand il est bien mentalement et physiquement. C’est un cheval sur lequel on peut compter et c’est aussi cela qui a rassuré – je pense – le sélectionneur (Ndlr : Peter Weinberg). Quel Homme a été classé dans tous les Grands Prix auxquels il a participé cette année. A Rome, il devait réussir un résultat et il a fait double sans-faute dans la Coupe des nations et est encore classé cinquième dans le Grand Prix. C’est un cheval d’exception, le planning a été bien fait et le cheval est en forme. Nous sommes maintenant impatients d’arriver à Tokyo. Que Quel Homme conserve cette même forme là-bas pour nous permettre d’accrocher un bon résultat.
Tu te sens mieux armé aujourd’hui avec Quel Homme qu’il y a cinq ans avec Grand Cru ?
Oui bien sûr, ce n’est pas comparable. Moi comme le cheval, nous sommes davantage prêts aujourd’hui. J’allais à Rio pour prendre de l’expérience et vivre les JO. Là, je vais à Tokyo avec un objectif de résultat. Avec une équipe solide. Je serai déçu si je n’obtiens pas les résultats désirés… mais ça c’est le sport. En plus le format change…
Justement, quel est ton avis sur ce nouveau format de la compétition ? Avec des équipes de trois et non plus quatre cavaliers ?
Je suis contre ce nouveau format. On ne sait jamais ce qu’il peut se passer dans une équipe. Le « drop score » (Ndlr : le plus mauvais score, qui n’était pas comptabilisé dans le résultat de l’équipe) était pour moi quelque chose d’important. Cela donnait des rebondissements et offrait encore une chance. Ici, on sait très bien que si un cheval réalise une contre-performance, c’est terminé pour toute l’équipe. Avant pas. Nous n’avons même jamais pu nous préparer à ce nouveau format… Je pense et j’espère que pour les prochains Jeux nous reviendrons au précédent format.
Il y a aussi la compétition individuelle qui se termine avant la compétition par équipe…
La compétition individuelle avant la compétition par équipe, cela n’a pas de sens. Les chevaux qui vont courir pour la médaille individuelle seront plus fatigués pour attaquer la compétition par équipe. Le format précédent était très bien : l’équipe d’abord et puis on pensait à l’individuel. Avant, l’équipe qualifiait même pour l’individuel. Maintenant, les deux compétitions sont à part. Le précédent format était bien mieux et c’est l’avis de tous les cavaliers.
Pour revenir à ta victoire à Knokke, fin juin, à quel niveau la situes-tu par rapport à tes cinq précédentes victoires en Grand Prix 5 étoiles ?
Une victoire dans un Grand Prix 5 étoiles c’est toujours quelque chose de spécial. Celle-ci a un parfum particulier dans le sens où nous étions à un mois des Jeux. C’était un très gros Grand Prix. Les meilleurs cavaliers et les meilleurs chevaux étaient là parce que pour beaucoup c’était une dernière préparation avant Tokyo. Je ne vais pas dire que c’était les Jeux avant les Jeux mais ça faisait partie des grosses échéances. Une victoire en Belgique me tient aussi toujours beaucoup à cœur.
Dans le cheminement de mon objectif qui est Tokyo, cette victoire est également importante. Elle me met en confiance et me rend serein pour partir dans de bonnes conditions à Tokyo. Je ne pouvais pas espérer mieux. Je n’allais pas à Knokke pour gagner mais pour préparer les Jeux. Tout s’est bien déroulé. J’ai aussi eu un peu de chance, celle que d’autres cavaliers – plus rapides que moi – en aient un peu moins. J’espère que nous garderons cette chance pour Tokyo. Quand on est dans une bonne spirale et une bonne dynamique, c’est toujours positif. Pour le moment, j’obtiens des résultats avec Quel Homme mais aussi avec beaucoup d’autres chevaux. Je vais essayer de profiter de ce moment-là et faire en sorte que cela continue.
On sait que les conditions atmosphériques seront particulières à Tokyo. Comment appréhendes-tu ce facteur ?
Je suis passé dans le caisson à Louvain-la-Neuve, où sont reproduites les conditions les plus extrêmes (température et humidité) que nous pourrions retrouver à Tokyo. Le corps n’a pas vraiment le temps de s’habituer et on est directement plongé dans des activités sportives. C’était assez trash ! Mais on s’est rendu compte que la préparation et surtout la récupération vont être très importantes à Tokyo. Pour que nous arrivions, et surtout nos chevaux, dans une forme optimale le jour J.
Nous serons avec nos chevaux une semaine avant la compétition pour nous acclimater, conserver l’entraînement et se mettre dans cette atmosphère des Jeux. Mentalement et physiquement, il faut être prêt. A Rio, il faisait chaud mais pas humide comme à Tokyo. Je pourrai comparer après l’avoir vécu. D’après ce que l’on dit, on va avoir 80% d’humidité, c’est comme un sauna. La chaleur avec l’humidité, cela augmente la transpiration.
Cela ne t’inquiète pas outre mesure ?
Pour moi je pense que cela va aller. Mais c’est surtout le cheval qui va faire les efforts les plus physiques. Quel Homme a été subir les tests à Liège et il s’y est très bien comporté, comme d’ailleurs tous les chevaux de l’équipe. Ce sont des chevaux entraînés, qui ont l’habitude de voyager. On leur demande de pousser très fort mais sur un moment très court. Ça va être plus dur je pense pour les chevaux de complet. Pour les nôtres, c’est très intense mais très court, à peine deux minutes. Et je pense que nos chevaux sont préparés pour cela.
Cette année, en plus d’avoir une équipe en jumping, la Belgique a aussi une équipe en dressage et un couple en complet…
C’est une super nouvelle. C’est génial. Malheureusement la compétition de dressage se termine avant notre arrivée. Je pense qu’on aura par contre l’occasion de voir une ou deux épreuves du complet. Mais c’est chouette, avec Larissa (Pauluis), Lara (de Liedekerke), Grégory (Wathelet) et moi, il y a quand même quatre cavaliers de la Ligue équestre Wallonie-Bruxelles à Tokyo. C’est assez exceptionnel.