Fixer des objectifs, un indispensable pour progresser avec son cheval !
Même si l’on ne souhaite pas sortir en compétition, il est utile et même indispensable de se fixer des objectifs dans le travail avec son cheval. Sans cela, on manque non seulement des occasions d’évoluer, mais l’on risque aussi de rencontrer davantage de problèmes avec sa monture. Pierre Dechamps, spécialiste en équitation naturelle, fait ce constat régulièrement… Il nous explique comment se fixer des objectifs et structurer son travail quotidien pour évoluer peu importe son niveau et sa discipline.
La structure du travail est souvent une chose oubliée dans le monde équestre… Les cavaliers accordent en effet beaucoup d’importance à prendre soin de leurs chevaux, à améliorer leur position et leur technique, mais ils ont plus rarement le réflexe d’organiser leur travail à court et à plus long terme. « En arrivant aux écuries, beaucoup de personnes ne savent pas précisément ce qu’elles vont faire avec leur cheval, donc elles improvisent », constate Pierre Dechamps, coach et cavalier spécialisé en équitation naturelle. « De manière générale, quand je demande aux cavaliers quels sont leurs objectifs avec leurs chevaux, peu d’entre eux ont une idée précise. »
« L’idée est de ne pas sortir son cheval comme on sortirait un chien pour qu’il fasse ses besoins.»
Or, peu importe sa discipline ou son niveau, se fixer des objectifs est bénéfique à plus d’un titre. « Cela rend le travail quotidien plus agréable pour nous comme pour le cheval, et cela permet de se voir avancer », confie Pierre Dechamps. « Au début, travailler de cette façon peut être un peu inconfortable car il faut se discipliner, répéter, se structurer, mais cela devient vite une habitude et cela apporte beaucoup plus de satisfaction. L’idée derrière cela est de ne pas sortir son cheval comme on sortirait un chien pour qu’il fasse ses besoins. Le travail doit solliciter le mental de l’équidé, ne serait-ce qu’une ou deux fois par semaine, et il doit assurer que le cheval bouge suffisamment au quotidien, car beaucoup de problèmes de comportement proviennent d’un manque d’activité. »
Comment déterminer ses objectifs ?
Les objectifs qu’on se fixe peuvent être très variés, mais ils doivent bien sûr être réalisables pour le cavalier comme pour le cheval, sans quoi on risque vite de devenir frustré ou démotivé. Pierre Dechamps conseille de choisir un objectif qui apporte du plaisir, mais qui est aussi concret et palpable : « Avoir une belle relation avec son cheval n’est par exemple pas un objectif concret, parce que c’est impossible à mesurer dans le temps et dans l’action. Par contre, si pour l’instant mon cheval sait simplement partir au galop depuis le trot, je peux par exemple me fixer comme but d’être capable de partir au galop depuis le pas sur une ligne médiane d’ici deux mois. Au bout de ce délai, je peux en effet facilement observer si cela fonctionne ou pas. »
Pierre Dechamps préconise de fixer des objectifs à plutôt court terme, par exemple tous les deux mois, afin d’évaluer assez régulièrement la progression et s’adapter si besoin. « Bien sûr, il peut s’agir de « sous-objectifs » qui servent d’étapes vers un but plus important et à plus long terme », précise-t-il. Les objectifs à court terme peuvent par exemple consister à réussir ses départs au galop depuis le pas, à conduire son cheval en liberté, à réaliser un enchaînement d’obstacles, à gérer la mise au pré sans difficulté si on a tendance à rencontrer des problèmes… A plus long terme, on pourra se fixer des objectifs plus importants et plus complexes comme randonner à cheval, participer à un concours ou à un spectacle, dérouler une nouvelle reprise,… Bref, chacun peut trouver un but adapté à sa discipline, son niveau et son cheval.
Décomposer le travail pour mieux avancer
Une fois l’objectif déterminé, l’étape suivante consiste à établir une liste des « ingrédients » nécessaires pour réaliser cet objectif. « Dans le cas du départ au galop depuis le pas par exemple, ce n’est pas la répétition de l’exercice qui va permettre d’atteindre l’objectif », illustre Pierre Dechamps. « C’est plutôt un ensemble d’ingrédients qui permet la réussite. »
Pour déterminer ces ingrédients, il est important de prendre en compte tous les aspects de l’objectif qu’on s’est fixé. Si le but est de sortir en concours par exemple, on pensera bien sûr au contenu de l’épreuve en elle-même mais aussi à tout ce qu’il y a autour : le transport, la cohabitation avec les autres chevaux au paddock, le public, le micro,…
Voici deux exemples concrets :
Exemple 1 Objectif : partir au galop depuis le pas sur la ligne médiane avec un cheval qui sait actuellement démarrer au galop depuis le trot Délai : 2 mois Ingrédients : – avoir un cheval capable de réaliser une ligne droite aux 3 allures. – réaliser facilement les flexions. – réaliser facilement les cessions à la jambe aux 2 mains (pour faciliter les départs au galop). – partir au galop sur le bon pied depuis le trot. – obtenir des transitions arrêt-pas et arrêt-trot qui fonctionnent. – etc. |
Exemple 2 Objectif : être à l’aise aux 3 allures en extérieur avec un cheval inexpérimenté en promenade Délai : 6 mois Ingrédients (ils sont plus nombreux, d’où le délai plus long pour atteindre l’objectif) : – au sol comme monté : maitriser le désengagement des hanches et les flexions latérales qui permettent de contrôler et immobiliser le cheval. – avoir un cheval stable, y compris au montoir (travail de désensibilisation avec le stick, voire avec un drapeau dans toutes les zones du corps du cheval). – obtenir un cheval qui se laisse conduire facilement et s’arrête à la demande. – maitriser le reculer à pied et monté car pour résoudre diverses situations, il faut savoir contrôler les postérieurs en avant, latéralement et aussi en arrière. Le reculer permet par ailleurs de gagner en respect et de reconnecter le cheval, c’est pourquoi c’est un ingrédient utile pour presque tous les objectifs. – préparer les réactions du cheval grâce à des mises en situation sur des bâches, bidets, petits obstacles et autres éléments qu’on retrouve en extérieur. – obtenir la régularité des allures et du tracé au sol et monté. – maitriser les mouvements latéraux (façon d’observer comment le cheval réagit lorsqu’il reçoit de la pression). – etc |
La liste d’ingrédients peut évidemment être établie avec l’aide d’un coach, et il est indispensable de ne pas bâcler cette étape car elle est cruciale dans le cheminement vers l’objectif. « Une fois que j’ai listé mes ingrédients, j’en choisis un avant chaque séance et je me focalise dessus », explique Pierre Dechamps. « S’il s’agit du reculer par exemple, je vais travailler cela, puis faire bouger un peu le cheval avant de revenir au reculer jusqu’à ce qu’il soit suffisamment compris et accepté par le cheval. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, on avance beaucoup plus vite si l’on travaille un ingrédient à la fois plutôt que si l’on en introduit dix d’un coup. »
En prenant le temps de consacrer une ou plusieurs séance à un exercice ou ingrédient en particulier, on évite en effet la confusion chez le cheval. Cela permet d’obtenir des apprentissages plus solides et généralement définitifs, ce qui n’empêche évidemment pas de perfectionner ces acquis par la suite… « Au départ, on peut par exemple se contenter d’un reculer qui vaut 5 sur 10, mais après il faut viser progressivement 7, puis 10/10 », illustre Pierre Dechamps. « Le fait d’aller de plus en plus loin dans l’exigence permis de consolider l’apprentissage et de construire le mental du cheval. Par ailleurs, cette exigence exprime au cheval qui l’on est dès le départ et cela permet de construire de bonnes bases. »
S’évaluer et s’adapter si besoin
Pour estimer si un ingrédient de son objectif est bien maitrisé, il faut d’abord se faire une image de l’exercice parfait, par exemple en s’inspirant de modèles. On peut aussi s’évaluer sur base de critères comme la fluidité d’exécution, le calme du cheval ou encore l’énergie employée pour obtenir l’exercice. Au fur et à mesure, les aides doivent en effet devenir les plus légères possible.
« L’objectif ne doit pas être une pression mais plutôt une occasion de faire le point sur son travail »
Il existe également d’autres indicateurs comme la tension sur la corde ou la rêne : plus celle-ci est élevée, moins l’exercice est acquis. Enfin, lors du travail à pied, on peut aussi analyser la distance par rapport au cheval. Au début, celle-ci devrait généralement être courte mais à mesure que le cheval progresse, le cavalier pourra lui demander d’exécuter l’exercice et obtenir d’aussi bons résultats en se plaçant plus loin.
Le fait d’évaluer chaque ingrédient de sa liste permet notamment de se situer par rapport à son objectif final. « L’objectif ne doit pas être une pression mais plutôt une occasion de faire le point sur son travail », souligne Pierre Dechamps. « Si l’on n’a pas atteint son but après le délai qu’on avait fixé, on peut décider de prendre plus de temps ou même de changer d’objectif. Le plus important est d’essayer de déterminer pourquoi notre travail a fonctionné ou pas, et ce qu’il nous manque éventuellement pour atteindre cet objectif. »
Evidemment, même si les objectifs et la structure de travail sont propres à chaque cavalier ou cheval, rien ne vous empêche de vous faire accompagner dans cette démarche ! L’expertise d’un coach peut en effet être utile au départ pour vous aider à établir la liste d’ingrédients, ou encore pour évaluer vos acquis et remédier aux éventuels problèmes.