Comment gérer la mise au pré en toute sécurité ?

Démarrages en trombe, chevaux qui arrachent la longe pour attraper le premier brin d’herbe,… La mise au pré n’est pas toujours de tout repos et elle peut même s’avérer dangereuse lorsque les chevaux deviennent difficiles à maitriser. Mais rassurez-vous, il existe des solutions pour éviter ces comportements et augmenter la sécurité des équidés comme des humains. Pierre Dechamps, spécialiste en équitation naturelle, nous a livré ses conseils pour une mise au pré en toute sécurité :

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© Christophe Bortels

Le printemps est souvent synonyme de retour au pré pour les chevaux qui ne vivent pas toute l’année en extérieur, et les premières sorties peuvent être mouvementées ! Certains propriétaires rencontrent en effet des problèmes pour maîtriser leur cheval lorsqu’il s’agit de l’amener, ou encore de le lâcher dans la prairie. Ces comportements s’estompent parfois après les premières sorties mais lorsqu’ils s’installent plus durablement, ils peuvent créer de l’insécurité voire mener à des accidents.

Pour éviter d’en arriver là, il est d’abord utile de bien comprendre les origines de ces réactions au moment de la mise au pré. Pierre Dechamps, spécialiste en équitation naturelle, souligne deux facteurs importants liés au mental du cheval :

  • plus les espaces sont grands et ouverts, plus cela génère des émotions chez le cheval (et le cavalier). Par conséquent, si vous n’arrivez déjà pas à contrôler votre cheval dans un espace clos comme un box, un rond de longe ou une piste fermée, il est évident que nous ne parviendrez pas à mieux le contrôler dans de grands espaces ouverts comme une prairie (ou par exemple un champs si vous partez en promenade).
  • les chevaux savent généralement à l’avance ce qu’il va se passer. Via nos gestes, nos émotions, ils sont facilement capables de deviner s’ils vont aller au pré, s’ils vont travailler en piste ou sortir en promenade, etc. Cela peut entraîner des anticipations comme par exemple un cheval qui démarre de lui-même au galop sur le sentier de promenade où le cavalier lui demande habituellement cette allure.
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Casser les routines permet au cheval de ne plus anticiper certaines choses, comme le lâché au pré. (© Christophe Bortels)

Lorsqu’on veut régler des problèmes liés à la mise en prairie, il est important d’être attentif à ces deux facteurs. Si l’on souhaite par exemple éviter que le cheval anticipe qu’il va galoper à un tel endroit de la promenade ou démarrer au galop lorsqu’on le lâche au pré, il faut éviter la logique de routine. Pierre Dechamps conseille de « banaliser chaque endroit, en cassant notamment la croyance qu’on ne peut pas travailler un cheval au pré parce que ce serait uniquement un lieu de détente ».

Préparer et vérifier

Pour solutionner les problèmes liés à la mise au pré, il faudra d’ailleurs travailler dans cet espace. Mais auparavant, Pierre Dechamps préconise de commencer en effectuant quelques exercices et vérifications dans un espace plus réduit comme un boxe, un rond de longe,… Cela permettra au cavalier de faire le point dans un cadre qui lui apportera plus de sécurité et de contrôle. « Le reculer, l’envoi-désengagement ou encore la désensibilisation doivent notamment être maitrisés à 100% », souligne le spécialiste en équitation naturelle. « En général, je vérifie ce qu’il se passe quand je mets un peu de pression sur le cheval à hauteur du garrot pour le faire avancer, car c’est un mouvement qui déclenche souvent des démarrages violents. Si je constate ce genre de réaction, je transforme ce test en exercice et je répète jusqu’à ce que le cheval accepte de rester stable. »

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Pour obtenir plus de stabilité, on désensibilisera le cheval dans diverses conditions. (© Christophe Bortels)

La stabilité est évidemment complexe à obtenir chez le cheval, qui est un animal avec un fort instinct de fuite. On peut toutefois la développer en travaillant régulièrement sur ses réactions face à cette fameuse pression au niveau du garrot, mais aussi à d’autres éléments qui peuvent générer des réactions comme un bras qui se lève, un stick, une barrière de pré qui s’ouvre ou se ferme… Pierre Dechamps préconise aussi de jouer avec le clic du mousqueton de la longe dans différents contextes et sans forcément enlever la corde, afin que le cheval n’associe plus systématiquement ce mouvement et ce bruit à une mise en liberté.

En parallèle de ces exercices de stabilité et de mise en confiance, le cavalier travaillera aussi le respect et pensera à vérifier cet élément lorsqu’il se dirige vers la prairie. « Sur le chemin du pré, on peut demander au cheval de s’arrêter, de reculer de quelques pas puis de repartir quand on lui demande », illustre Pierre Dechamps. « C’est une façon de lui montrer que c’est nous qui décidons, et qu’il doit rester à l’écoute. » Avec les chevaux qui se précipitent au moment de passer la barrière du pré, on peut aussi travailler au préalable les entrées et sorties dans un espace plus petit comme un boxe ou un rond de longe.

Bien s’équiper

Ce travail en amont nécessite généralement plusieurs séances mais il est indispensable pour aborder plus sereinement la mise au pré, car il permet de gagner davantage de contrôle, de respect et de connexion avec son cheval. Avec ces outils et cette préparation, on diminue aussi très souvent les réactions indésirables lors des sorties au pré.

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Une longe placée en Colbert sur un bridon permet d’améliorer le contrôle. (© Christophe Bortels)

Cela ne dispense évidemment pas les cavaliers d’être prudents, et surtout de bien s’équiper au moment où ils emmènent leurs chevaux au pré. « Les premières fois, on peut s’aider d’un bridon avec une longe placée en colbert car cela permet d’avoir plus de contrôle pour arrêter le cheval s’il décide de démarrer », conseille Pierre Dechamps. « En général j’utilise un bridon sans muserolle que je place au-dessus d’un licol classique, comme ça il est plus facile de l’enlever. »

On peut également utiliser un licol en corde pour manipuler le cheval, mais on évitera de le laisser au pré car contrairement à un licol plat, celui-ci ne se rompt pas si le cheval s’accroche et cela peut générer des accidents graves. Le cavalier pensera aussi à s’équiper de bons gants, d’une longe assez longue pour pouvoir travailler à distance et éventuellement d’un stick.

Le moment fatidique de la mise au pré

Une fois que les codes utiles à la mise au pré ont été vérifiés et/ou mis en place, il ne reste plus qu’à essayer en conditions réelles ! En règle générale, Pierre Dechamps préconise de laisser la barrière du pré fermée pour éviter toute invitation à la fuite lorsqu’on arrive à hauteur de la prairie. Au moment où le spécialiste ouvre la porte, il demande habituellement au cheval de reculer avec lui, puis de rentrer en marche avant dans le pré et de faire un demi-tour pour se positionner face à lui et s’arrêter. « Je cherche à obtenir un cheval calme, qui attend que je lui indique la suite. En général, je vérifie l’état de tension du cheval au niveau de la nuque, car c’est un excellent indicateur. Quand je tire doucement le licol vers le bas et que j’exerce une pression sur la nuque, le cheval doit relâcher l’encolure et la descendre. Si au contraire il se crispe, c’est signe qu’il n’est pas détendu. »

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Avant de lâcher le cheval, on peut vérifier que celui-ci est détendu en demandant une cession au niveau de la nuque. (© Christophe Bortels)

Pour éviter que le cheval anticipe le moment où il va être lâché, Pierre Dechamps n’hésite pas à demander au préalable quelques exercices dans le pré, ou encore à effectuer plusieurs entrées/sorties. « L’idée n’est pas juste de consacrer deux minutes à la mise en prairie, mais d’effectuer de vraies leçons », souligne-t-il. 

Si malgré une bonne préparation en amont le cheval cherche à démarrer au pré, la bonne réaction n’est pas de s’accrocher à la longe mais plutôt de bien s’ancrer dans le sol et de reprendre fortement la corde en tirant vers le bas, puis de la relâcher. Avec les cheval particulièrement compliqués, on peut aussi s’aider de quelques astuces comme par exemple faire rentrer l’équidé à reculons dans le pré. « Il peut également être utile d’installer un « sas » (voire un abri) à l’entrée du pré qui servira de tampon et offrira un espace clos qui permettra d’éviter les fuites », conseille Pierre Dechamps. « On peut aussi mettre un peu de nourriture pour aider le cheval à rester en place, mais ce n’est pas aussi efficace que de travailler la stabilité. »

Entrer dans le pré à reculons peut-être utile pour contrôler les chevaux les plus difficiles. (© Christophe Bortels)

Bref, pour éviter et régler les problèmes au moment de la mise au pré, il faut parfois se montrer astucieux, mais il est surtout nécessaire d’établir de bonnes bases en amont. Ce travail de contrôle, de respect et de connexion peut sembler fastidieux mais il permet d’apporter de la sécurité et sera utile dans bien d’autres circonstances comme le montoir, les promenades, etc. En résumé, on ne perd jamais de temps à améliorer l’éducation de son cheval et notre relation avec lui !

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !