Le sommeil du cheval, une composante fondamentale du bien-être
Comme chez l’homme, le sommeil du cheval est essentiel pour sa forme physique et mentale. Mais ce sujet est finalement assez peu pris en compte par les cavaliers ainsi que par les scientifiques. Dans une revue particulièrement complète, deux chercheurs britanniques ont résumé les principales connaissances et les zones d’ombre concernant ce vaste sujet. Ce travail permet notamment de dégager des pistes intéressantes pour mieux respecter le sommeil des équidés, et par extension favoriser leur bien-être.
Lorsqu’on évoque les besoins fondamentaux des chevaux, on pense généralement à l’alimentation, aux conditions d’hébergement ou encore aux contacts sociaux, mais plus rarement au sommeil ! Or, ce dernier est un élément fondamental du bien-être de tous les mammifères, notamment car le sommeil a des propriétés réparatrices et joue un rôle dans la consolidation de la mémoire. Linda Greening et Sebastian McBride, deux chercheurs britanniques, ont donc décidé de s’intéresser au sommeil équin dans une revue scientifique publiée sur la plateforme Frontiers. Leur travail s’appuie sur différentes études existantes afin de faire le point sur les connaissances actuelles sur le sujet et leurs lacunes, car il en existe.
Les chevaux ont tendance à s’engager dans des proportions plus faibles de sommeil paradoxal lorsqu’ils sont dans un environnement risqué
Parmi les nombreuses informations mises en avant par cette revue, on note à la fois des similitudes et des différences importantes entre le sommeil du cheval et celui de l’homme. Tout d’abord, l’humain et l’équidé ont en commun deux principaux états de sommeil : le « sommeil lent » et celui « paradoxal ». Ce dernier se caractérise notamment par la présence de rêves et par une perte du tonus musculaire du corps, c’est pourquoi il se produit principalement lorsque les chevaux sont couchés.
Un sommeil plus bref que celui de l’humain
Si le sommeil du cheval a des points communs avec celui de l’homme, il diffère aussi significativement sur certains points, à commencer par celui de la durée. Différentes études révèlent que chez les chevaux, le temps de sommeil total atteint en moyenne 3,85 heures par jour, soit environ la moitié de celui de l’humain (8 heures en moyenne). D’importantes variations de durées ont cependant été observées en fonction de la méthodologie des études et de l’âge des chevaux observés.
Il est toutefois avéré et logique que les équidés dorment beaucoup moins longtemps que les humains, car de manière générale plus la masse corporelle d’un mammifère est élevée, plus son temps de sommeil total est court. Comme le soulignent les chercheurs, cela peut s’expliquer par le fait que les proies de grande taille telles que les chevaux doivent généralement dormir dans des endroits plus exposés à la prédation, contrairement par exemple à une souris qui peut facilement se cacher. Ces animaux plus vulnérables face aux prédateurs ont donc tendance à dormir globalement moins longtemps. Les chercheurs soulignent aussi que les chevaux (et autres mammifères de proie) ont tendance à s’engager dans des proportions plus faibles de sommeil paradoxal lorsqu’ils sont dans un environnement risqué, car cet état de sommeil est lié à une perte de tonus musculaire et ne peut être atteint qu’en position couchée.
Un repos plus morcelé
En plus d’être plus court que celui de l’homme, le temps de sommeil total du cheval est aussi plus morcelé. L’humain comme l’équidé cumulent en moyenne 2 à 6 cycles de sommeil par nuit, mais chez les chevaux ces cycles sont beaucoup plus courts : 40,74 min en moyenne, contre 119,70 minutes pour l’homme. Les phases d’éveil sont aussi beaucoup plus nombreuses chez le cheval, puisque leur moyenne par cycle de sommeil est d’environ 7, contre 0,77 pour les personnes adultes. Les chevaux ont par contre tendance à se réveiller beaucoup moins longtemps que les humains : seulement 0,96 minutes en moyenne contre 2,75 minutes pour les adultes.
La plupart des études réalisées sur ce sujet portent seulement sur le sommeil nocturne alors que le cheval dort aussi pendant la journée, les chercheurs soulignent donc qu’il serait nécessaire d’analyser les chevaux sur 24h pour établir un profil plus complet de leur sommeil. Cependant, les travaux déjà publiés révèlent à quel point le repos des équidés est particulièrement fragmenté. A nouveau, cela peut s’expliquer par la nature de proie des chevaux, puisque les courtes et nombreuses séquences d’éveil permettent aux équidés de rester vigilants par rapport aux prédateurs.
Facteur ou marqueur de stress ?
La quantité de sommeil est évidemment une chose importante, mais la qualité est tout aussi primordiale pour le bien-être des humains comme des chevaux. Or, cet aspect reste encore très peu connu et étudié chez les animaux. Les chercheurs britanniques soulignent par exemple qu’on ne sait pas aujourd’hui si les changements qui surviennent dans le sommeil des chevaux sont une preuve de stress, ou si au contraire ils sont plutôt une cause de celui-ci. Selon les scientifiques, les deux cas seraient probables. Toutefois, il semblerait que plus la qualité de sommeil diminue et s’installe dans le temps, plus elle deviendrait un facteur important de stress.
On peut par ailleurs faire des liens directs entre sommeil et bien-être puisqu’une étude a démontré que les chevaux stéréotypés dormaient beaucoup moins longtemps dans un état de sommeil paradoxal que des équidés sans problèmes. Par ailleurs, les chercheurs soulignent que « la privation de sommeil chez les animaux entraînerait de graves changements physiologiques, notamment un état d’ingestion calorique élevée sans prise de poids, une réduction des hormones anabolisantes, des infections opportunistes et, dans certains cas, la mort. (…) Théoriquement, les chevaux seront sensibles à de nombreuses séquelles cliniques de privation de sommeil qui ont été observées chez d’autres espèces. »
L’importance de l’environnement
La qualité du sommeil est donc importante pour la santé des chevaux, mais encore faut-il savoir comment la garantir… Comme le bien-être favorise un bon sommeil et vice-versa, il est donc intéressant de se pencher sur les conditions de vie et de repos des équidés. Des études rapportent que le changement d’environnement peut avoir des effets directs sur le sommeil du cheval : par exemple, le temps de sommeil total a considérablement diminué chez des équidés qui sont passés d’une vie en groupe au pré à une écurie individuelle. Les chevaux ont en effet besoin d’un temps d’adaptation, et dans ce cas concret les perturbations de sommeil observées peuvent être reliées au fait que les chevaux en boxe ne pouvaient plus compter sur la sécurité et la vigilance du troupeau et étaient soumis à de nouveaux stimuli auditifs et sensoriels.
De plus longues périodes couchées ont été observées dans les écuries plus spacieuses
La revue scientifique évoque aussi l’impact de l’éclairage artificiel dans les écuries, qui pourrait perturber le sommeil en réduisant significativement la position couchée – et donc le temps de sommeil paradoxal. La lumière rouge serait par contre préconisée pour minimiser les perturbations du rythme biologique des équidés.
D’autres facteurs pourraient influencer la qualité du sommeil, comme par exemple la litière ou le couchage. On en sait peu à ce sujet mais il s’avère que les chevaux vivant en boxes ont généralement tendance à se coucher dans des zones différentes de celles où ils pratiquent le sommeil debout. De plus longues périodes couchées ont par ailleurs été observées dans les écuries plus spacieuses, « ce qui suggère que ce facteur influence la motivation à adopter des positions couchées », précisent les chercheurs. « À cet égard, une plus grande surface pourrait faciliter la maniabilité qui est essentielle pour obtenir une position couchée et est d’une importance cruciale pour permettre au cheval d’atteindre efficacement le sommeil paradoxal. »
En boxe, il a aussi été démontré que les caractéristiques de la litière influencent le sommeil. Par exemple, on observe des couchers nocturnes plus longs avec la paille qu’avec les copeaux de bois et les pellets. « On note également que la profondeur du substrat de litière utilisé dans l’écurie a un effet significatif sur le comportement nocturne, où des profondeurs inférieures (<10 cm) de litière semblent réduire considérablement l’apparition d’un comportement couché quel que soit le substrat de litière. »
Des pistes pour améliorer le sommeil du cheval
Ces observations permettent déjà de dégager quelques idées et solutions à mettre en place pour favoriser un bon sommeil du cheval : litière, espace, environnement rassurant et stable,… Comme le soulignent les chercheurs, il reste cependant de nombreux éléments inexplorés qui pourraient eux aussi influencer le repos des équidés. Il s’agit entre autres de l’activité physique, l’alimentation, les déplacements réguliers des chevaux de concours ou encore les éventuels changements de fuseaux horaires. Enfin, il semblerait aussi que la température et les saisons soient des paramètres utiles à prendre en compte. Selon certaines études, les chevaux auraient en effet tendance à dormir moins lors des températures élevées et vice-versa. Comme de nombreux chevaux sont rasés et/ou équipés de couvertures en hiver, il serait par exemple utile de savoir si cela peut influencer leur sommeil d’une quelconque façon.
Retrouvez ici l’ensemble de la revue scientifique (en anglais) publiée par Linda Greening et Sebastian McBride