Alimentation : 5 idées reçues qui nuisent à la santé de votre cheval

Beaucoup de propriétaires souhaitent une alimentation optimale pour leur cheval, mais ils ignorent parfois les bonnes pratiques à adopter. Comme le constate régulièrement Kathleen Lebrun, diplômée en médecine vétérinaire et nutritionniste équin, certaines idées fausses ou inexactes continuent en effet à persister dans le monde équestre et elles peuvent avoir des conséquences néfastes pour les chevaux. Focus sur 5 d’entre elles et explications :

© Pixabay

Idée reçue n°1 : un cheval se nourrit au grain

Cela peut sembler évident, mais « beaucoup de personnes pensent encore que l’alimentation de base du cheval est le grain », remarque Kathleen Lebrun, diplômée en médecine vétérinaire et nutritionniste équin qui exerce sous le nom de Alternanutrivet. « Or, le cheval est un herbivore et pour des raisons anatomiques et physiologiques, il doit à la base se nourrir d’herbe et/ou de foin. » Rien n’empêche évidemment de complémenter son cheval avec du grain si sa santé ou encore son activité physique le nécessite. Dans ce cas, on veillera à doser la ration non pas en fonction de la taille de l’équidé comme on le fait souvent, mais selon son tempérament et son activité.

Comme le souligne Kathleen Lebrun, il faut toutefois veiller à distribuer les aliments dans le bon ordre : « Le foin doit être donné en premier car il est digéré au niveau du colon, soit à la fin du tube digestif, tandis que le grain se digère au niveau de l’estomac et de l’intestin grêle, soit un peu plus tôt dans le système digestif. Si l’on donne le fourrage tout de suite après les grains, le foin va pousser ces derniers vers le gros intestin alors qu’ils n’auront pas été suffisamment digérés et cela peut engendrer des fourbures, des coliques ou même de simples maux de ventre qui rendent les chevaux grincheux ou réticents au travail. »

Le grain vient en complément des aliments de base que sont le fourrage et l’herbe. (© Christophe Bortels)

De plus, il faut garder à l’esprit que le cheval possède un estomac différent de l’humain, car cet organe produit chez lui de l’acide chlorhydrique en continu. Cela signifie que lorsque l’estomac est vide durant plus de 4 heures, l’acide s’attaque à la muqueuse et risque de provoquer des ulcères. Ce phénomène d’acidité a tendance à empirer lorsque l’apport en grain est trop important et celui en foin trop faible, c’est pourquoi il est important de bien doser les deux et surtout de distribuer des repas fréquents ou mieux : de permettre l’accès à du foin à volonté.

L’habitude est de donner quotidiennement environ 1 kilo de foin par 100 kilos de poids vifs, mais selon la spécialiste les besoins sont un peu plus élevés : « Le Code wallon du bien-être recommande de donner 1,5% du poids en matière sèche, ce qui équivaut à peu près à 1,8 kilo de foin par 100 kilos de poids si l’on utilise un fourrage séché à 85% comme c’est souvent le cas. »

Idée reçue n°2 : pour faire maigrir un cheval, ou encore éviter les fourbures et l’embonpoint, il vaut mieux choisir une prairie rase

On pense souvent qu’une herbe courte est moins riche qu’une herbe haute, or c’est l’inverse ! « La physiologie de croissance de l’herbe fait que celle-ci est beaucoup plus chargée en sucre lorsqu’elle est courte », souligne Kathleen Lebrun. « Faire pâturer un cheval trop gros ou sujet aux fourbures dans une prairie rase est donc contre-productif. »

La spécialiste de Alternanutrivet précise aussi que le surpâturage est particulièrement dangereux pour les chevaux plus fragiles et sujets à l’embonpoint : « Si l’herbe est en phase de repousse et qu’elle est trop broutée, cela crée un stress qui la pousse à produire encore plus de sucre. On va aussi voir apparaître davantage de plantes comme le trèfle qui a tendance à engendrer des fourbures si le cheval l’ingère en grandes quantités. »

Plus l’herbe est courte, plus elle est chargée en sucre. (© Christophe Bortels)

Il faut également se méfier des périodes de l’année lors desquelles le temps est froid et ensoleillé, car l’herbe produit beaucoup de sucre mais ne pousse pas et elle accumule davantage ce sucre. Mieux vaut donc éviter de faire pâturer les chevaux dans ces conditions, mais l’on peut les sortir au pré si les températures remontent au cours de la journée : « A partir de 5 degrés environ, l’herbe repousse donc la concentration en sucre va diminuer. Celle-ci reste cependant élevée, c’est la raison pour laquelle il vaut mieux raccourcir la durée de la mise au pré. »

Idée reçue n°3 : le préfané est plus riche que le foin

Cette idée n’est pas totalement fausse, mais elle est à nuancer ! Il peut en effet arriver que le foin soit plus riche que le préfané et vice versa, car ce n’est pas la méthode de stockage qui influence l’aspect nutritif. « Le foin est conservé par séchage et le préfané par fermentation, et leur richesse dépend du stade de l’herbe au moment du fauchage », précise Kathleen Lebrun. « Si l’herbe est fauchée au même moment, les valeurs nutritionnelles seront sensiblement égales. Le préfané peut par contre être plus riche que le foin (et inversément) si la récolte a eu lieu à un stade où l’herbe était plus jeune, ou encore si cette herbe est mélangée à des légumineuses comme la luzerne. »

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La richesse du fourrage dépend non pas de la méthode de stockage, mais du stade de fauchage de l’herbe. (© Pixabay)

« Certains propriétaires mouillent leur foin pour diminuer son taux de sucre, mais un arrosage important lui fait perdre aussi des protéines ou des minéraux. »

Pour connaître les qualités nutritives de son foin ou son préfané, on peut se renseigner auprès de son fournisseur ou encore réaliser des analyses pour obtenir des données plus précises. « Dans l’idéal, il faudrait faire analyser chaque lot mais si l’on se fournit toujours auprès de la même personne et que la parcelle et le stade de fauchage sont identiques de récolte en récolte, il y a peu de chances que la richesse du foin ou du préfané change beaucoup », explique la nutritionniste.

Connaître la richesse de son fourrage permet notamment d’identifier si le cheval a besoin ou non de compléments pour éviter les carences. Cela permet aussi de connaître le taux de sucre, ce qui peut être particulièrement utile : « Certains propriétaires mouillent leur foin pour diminuer son taux de sucre, mais un arrosage important lui fait perdre aussi des protéines ou des minéraux. Il vaut donc la peine d’analyser son fourrage car en cas de sucre bas, on peut se permettre de ne pas le mouiller. »

Idée reçue n°4 : les poulains ont besoin de beaucoup de compléments

Ce cas de figure est un peu moins fréquent, mais Kathleen Lebrun a parfois remarqué que certains éleveurs et propriétaires supplémentent beaucoup trop leurs poulains. Cela a souvent pour effet de les faire grandir plus vite et peut causer des problèmes à long terme – souvent au moment du débourrage ou de la mise au travail.

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L’excès de compléments alimentaires peut poser des problèmes à long terme pour les poulains. (© Pixabay)

« Les compléments donnés sont souvent riches en calcium, or un apport trop important peut causer des problèmes articulaires », souligne la nutritionniste. « On se retrouve ainsi avec de jeunes chevaux présentant de l’OCD (ostéochondrite disséquante) ou des kystes osseux. »

Plutôt que d’opter pour des compléments et des rations importantes en quantité, Kathleen Lebrun conseille plutôt de miser sur la qualité, tout en adaptant bien sûr l’alimentation à mesure que le poulain grandit.

Idée reçue n°5 : les CMV se donnent par cures

Les compléments minéraux vitaminés ou CMV sont régulièrement administrés en cures de durées limitées, or les chevaux en ont besoin en permanence. « Ces CMV servent à équilibrer les rations qui manquent parfois de vitamines et de minéraux, mais aussi très souvent d’oligo-éléments. Cela peut créer des carences avec des effets à long terme », souligne Kathleen Lebrun.

Pour éviter les problèmes, les CMV doivent être donnés tout au long de l’année mais la dose peut évidemment varier selon les saisons et le travail. Tous les chevaux en ont a priori besoin, cependant on peut envisager de s’en passer si l’équidé ne travaille pas, qu’il vit au pré toute l’année et que les prairies sont bien gérées. Il n’est également pas nécessaire de complémenter les chevaux en CMV si leur alimentation de base leur apporte suffisamment d’oligo-éléments, mais Kathleen Lebrun souligne que « à quelques exceptions près, ceux-ci sont souvent présents en quantités trop faibles dans les granulés et mélanges vendus sur le marché ».

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La plupart des chevaux ont besoin de CMV tout au long de l’année et certains produits sont spécialement conçus pour cela, comme ici le B-Optimine de Bleu-Roy (© Bleu-Roy)

La forme de CMV (poudre, granulés, brique,…) n’a pas vraiment d’importance et peut être adaptée en fonction des préférences du cheval. Par contre, on veillera à adapter la dose de compléments aux besoin du cheval. « Les CMV sont fréquemment sous-dosés, notamment au niveau des oligo-éléments, donc il faut souvent multiplier la dose recommandée par 1,5 », constate la spécialiste de Alternanutrivet. « Il existe deux types d’oligo-éléments : les organiques et les inorganiques. Les premiers sont plus facilement assimilables que les seconds qui coutent moins cher et que l’on reconnaît grâce à des termes comme sulfate, oxyde, etc. » Cette différence de composition permet notamment d’expliquer certaines variations de prix entre différents produits et marques.

Comme vous pourrez le constater, mettre en place des solutions pour éviter ces mauvaises pratiques alimentaires n’est pas forcément coûteux, mais peut nécessiter un peu d’adaptation. En cas de doute ou pour des informations plus précises, n’hésitez évidemment pas à vous tourner vers des professionnels comme les vétérinaires et nutritionnistes équins !

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !