L’isolement social des étalons, une habitude contre-productive !

Très souvent, les entiers et étalons sont privés de vie en groupe et de contacts sociaux car ils sont jugés trop agressifs ou trop dangereux. Or, des scientifiques ont démontré via plusieurs études que cette mise à part est en réalité contre-productive et favorise les mauvais comportements chez les étalons. Ils ont également mis en évidence plusieurs solutions pour offrir aux chevaux non castrés une meilleure vie sociale sans pour autant mettre en danger leur sécurité, celles des humains et des autres chevaux. Explications :

Souvent, les étalons sont privés de contacts directs avec les autres chevaux. (©Pixabay)

Alors que dans la nature les étalons vivent au contact de leurs congénères, ils sont particulièrement isolés à l’état domestique. Beaucoup d’entiers et de reproducteurs sont en effet voués à être hébergés dans des boxes cloisonnés, à sortir au pré ou au paddock en l’absence de compagnie, etc, et ce pour éviter les accidents et les blessures. Certaines écuries les refusent même tout simplement, sous prétexte qu’ils sont difficiles à gérer ou sont trop agressifs et dangereux pour cohabiter avec d’autres chevaux.

On a souvent tendance à croire que les comportements négatifs présentés par certains étalons tiennent à leurs hormones, leur caractère,… Rodrigo Arruda de Oliveira et Christine Aurich, deux scientifiques de l’Université de Vienne, ont quant à eux décidé de s’intéresser à l’impact des conditions de vie des chevaux entier sur leur comportement, mais aussi sur leur bien-être et leur fertilité. Ils se sont penchés sur plusieurs études et expériences pour élaborer un article à ce sujet publié dans le « Journal of Equine Veterinary Sciences ».

Plus de stress chez les étalons isolés

Dans ce texte, les deux scientifiques évoquent notamment le fait qu’à l’état domestique, les étalons ont plus souvent tendance à adopter des comportements stéréotypés comme les tics. Au même titre que l’agressivité, ces réactions seraient principalement des conséquences des contacts sociaux limités. D’autres éléments liés aux méthodes actuelles d’hébergement des étalons – surtout reproducteurs – auraient aussi des impacts négatifs. Par exemple, il est assez habituel de rassembler les étalons dans des boxes individuels adjacents. Or, il semblerait que pour les reproducteurs, ce genre d’hébergement soit une source de stress. Des études ont en effet détecté lors de la période de reproduction une concentration plus importante de cortisol (un indicateur de stress) dans la salive des étalons hébergés les uns à côté des autres dans des boxes individuels. A l’inverse, les hongres logés dans des conditions similaires et les jeunes étalons vivant en groupe présentaient une concentration de cortisol dans la salive moins élevée au fil de la saison de reproduction.

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Les jeunes étalons changent de comportement quand ils quittent la vie au pré en groupe pour aller en box individuel. (© Pixabay)

D’autres expérimentations ont aussi montré des changements d’attitude importants chez de jeunes étalons de moins de 2 ans qui quittent la vie en groupe au pré pour des boxes individuels. En l’espace de quelques mois, ceux-ci affichaient des comportements sociaux très différents des jeunes mâles du même âge qui étaient restés vivre en prairie avec des congénères. D’après les scientifiques, cette séparation entrainerait la perte de compétences sociales, ce qui suggère que « l’isolement soudain des jeunes étalons de leurs compagnons de groupe au début de la formation mérite d’être reconsidéré ».

Selon les chercheurs, l’enrichissement de l’environnement (par exemple la présence d’une fenêtre dans le box) ou encore l’augmentation des activités des étalons ne suffiraient par ailleurs pas à atténuer les effets négatifs causés par l’hébergement en box individuel. Selon eux, « le plus grand problème concernant le bien-être des étalons reproducteurs est leur manque d’interaction sociale directe avec leurs congénères ». La solution efficace pour améliorer leur bien-être serait donc de leur fournir des compagnons.

Différentes solutions d’hébergement

Mais comment offrir des contacts sociaux aux étalons tout en limitant les risques ? La plupart des propriétaires isolent en effet leurs chevaux non pas parce qu’ils ignorent leurs besoins, mais simplement parce qu’ils craignent les accidents pouvant nuire à leur santé ou leur fertilité. C’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’étalons reproducteurs ayant de la valeur…

Diverses expériences ont toutefois montré que lorsqu’on mettait les étalons en contact avec d’autres chevaux, les incidents restaient généralement limités dans le temps comme au niveau de leur gravité. Un haras allemand possédant des étalons de sport a par exemple testé la mise en place de « boites sociales », c’est-à-dire d’ouvertures dans les parois qui séparent les boxes. Une partie des cloisons a été remplacée sur toute la hauteur par des barres métalliques espacées d’environ 30 cm et recouvertes de caoutchouc, ce qui permet aux chevaux de passer leur tête ou même un membre. Étonnamment, les comportements agressifs avec ce dispositif se sont limités aux premières heures après l’installation des étalons. Quelques blessures mineures ont été détectées sur la tête de certains chevaux, mais elles auraient pu être évitées avec une meilleure protection au niveau des barreaux.

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En général, les batailles se limitent aux premiers instants lorsqu’on place des étalons ensemble. (© Pixabay)

L’article des scientifiques autrichiens évoque aussi d’autres expériences intéressantes de socialisation des étalons, comme celles réalisées avec les chevaux Franches-Montagnes. Lors d’une étude, des étalons de cette race suisse ont été mis au pré en groupe loin des juments et autres chevaux et il s’est avéré que les confrontations ont diminué très rapidement et devenaient même très faibles dès le quatrième jour.

Un système à repenser

« En fait, lors de leur première rencontre, les étalons inconnus afficheront un comportement agressif prononcé qui décourage la majorité des propriétaires et des éleveurs de garder les étalons adultes en groupe », soulignent les auteurs. Ils précisent aussi que « la prévention des risques est souvent contre-productive pour les conditions de vie des étalons lorsqu’elles sont évaluées sous l’angle du bien-être ».

Les étalons gagneraient donc à être mis davantage en contacts avec leurs congénères, aussi bien pour améliorer leurs conditions de vie que pour réduire les risques d’incidents lors de ces rencontres avec d’autres équidés. Selon les auteurs autrichiens, « un changement et une reconsidération des traditions de longue date dans l’hébergement des étalons sont donc nécessaires. Étant donné que les chevaux hébergés avec des congénères sont moins susceptibles de développer un comportement anormal, il doit y avoir un effort continu et croissant pour fournir aux étalons adultes des opportunités de contact physique plus étroit avec leurs congénères. »

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Laisser les jeunes étalons au contact de congénères leur permet d’acquérir de meilleures compétences sociale. (© Adobe stock)

Comme l’a souligné une expérimentation citée précédemment, permettre aux jeunes étalons de continuer à entretenir des contacts avec leurs congénères favorise leurs compétences sociales et peut limiter les complications par la suite. Pour les mâles qui ont été isolés, la remise en contact avec d’autres chevaux peut se faire à l’aide de dispositifs comme la « boite sociale » qui permet de garantir une certaine sécurité. Par ailleurs, les scientifiques à l’origine de cette réflexion sur les conditions de vie des étalons recommandent fortement de tenir compte des affinités. L’idéal est en effet d’organiser l’écurie en plaçant les étalons à côté de voisins avec lesquels ils s’entendent. Et lorsque les mâles vivent en groupe, il est important d’assurer la stabilité de celui-ci en évitant les changements de composition du groupe. Tout cela demande un peu d’adaptation voire d’infrastructures, mais les bénéfices en valent la peine !

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !