Haras des Concessions : le complet dans le sang
Basé à Ciney, le Haras des Concessions est l’un des rares élevages en Belgique entièrement dédiés au concours complet. En une dizaine d’années, il a déjà produit plusieurs chevaux de haut niveau comme Gulliver, Freya ou encore Figaro des Concessions. Cette réussite n’est évidemment pas le fruit du hasard, mais de la vision et de la sélection de Baudouin van den Brande. Rencontre avec cet éleveur passionné qui n’a pas peur de sortir des sentiers battus !
Baudouin van den Brande fait indéniablement partie des personnes qui contribuent à l’évolution du concours complet en Belgique. Son nom vous est peut-être inconnu, mais vous avez sans doute déjà croisé des chevaux à l’affixe « des Concessions » sur les terrains de compétition ou vu leurs noms dans les résultats de concours internationaux. Baudouin van den Brande est en effet passionné depuis toujours par le concours complet et a d’ailleurs concouru dans cette discipline. Il y a une douzaine d’années, il a toutefois préféré passer de l’autre côté de la barrière en lançant son « Haras des Concessions » qui est implanté au cœur de la campagne de Ciney.
Ce choix était pour le moins osé, car l’élevage de chevaux de complet en Belgique est loin d’être aussi développé et rémunérateur que celui d’obstacles. « Actuellement, environ 75% des chevaux utilisés en complet ne sont pas nés pour ça à la base. Cela n’empêche pas de trouver de très bons chevaux dans la masse, mais on nage au lieu de cibler ce qu’on recherche », remarque Baudouin van den Brande.
L’homme a donc choisi d’élever des chevaux spécifiquement pour cette discipline, et il s’est appuyé pour cela sur ce qu’il avait à disposition : ses propres juments de concours. « A mon étonnement, elles m’ont permis de créer une véritable souche maternelle orientée vers le complet. En saut d’obstacle c’est déjà répandu depuis longtemps mais dans notre discipline, on commence seulement à avoir des lignées maternelles spécifiques. » La souche du Haras des Concessions repose principalement sur Rafinesse (Rubinstein I x Tiro), une Oldenbourg orientée dressage, et L’avant-Garde xx (Garde Royale xx x Gift Card xx), une Pur-sang dont une bonne moitié des produits de l’élevage descendent.
« Si j’achète et distribue des étalons, c’est avant tout pour disposer de reproducteurs qui me plaisent et qui correspondent à mes objectifs d’élevage. »
Dès le départ, Baudouin van den Brande a en effet souhaité élever avec beaucoup de sang, comme le font plusieurs éleveurs des pays anglo-saxons ou du Sud de la France. « Ce sont des sources d’inspiration pour moi et je suis convaincu que le sang est primordial en concours complet. En Belgique, nous avons par exemple d’excellents cavaliers et de bons résultats dans les épreuves de dressage et de jumping, mais c’est toujours plus compliqué en cross car nos chevaux manquent souvent d’entrainement en endurance et de sang. C’est frustrant car on n’est pas loin du but et il ne manque pas grand-chose pour réussir ; il faut améliorer nos chevaux ! »
En plus de miser sur le sang, l’éleveur du Haras des Concessions a choisi de s’appuyer sur des reproducteurs qui ont eux-mêmes concouru, et/ou dont les produits ont presté en compétition. Au sein de son élevage, Baudouin van den Brande privilégie également des races avec des prédispositions pour le complet comme le cheval de sport irlandais (ISH), l’Anglo-arabe ou encore le Pur-sang. « L’Irlandais et l’Anglo sont de petits stud-books mais ils possèdent des chevaux de grande qualité », souligne l’éleveur. « C’est notamment grâce à une sélection très stricte et de longue durée. »
Plusieurs étalons maison
Baudouin van den Brande élève non seulement par passion des chevaux et du complet, mais aussi parce qu’il aime avoir les choses en main. C’est notamment pourquoi il a rapidement investi dans ses propres étalons. « Un étalon qui tourne en CCI 4* fait peut-être une dizaine de saillies par an en Belgique, donc ce n’est clairement pas dans un but commercial que je fais un peu d’étalonnage », confie l’éleveur. « Si j’achète et distribue des étalons, c’est avant tout pour disposer de reproducteurs qui me plaisent et qui correspondent à mes objectifs d’élevage. »
« Je valorise mes produits dans le sport car je pense qu’une poulinière comme un étalon doit prouver qu’il a des capacités et est apte au haut niveau »
Le premier étalon à rejoindre le Haras des Concessions fut Febus d’Olympe (Markus x Florestan II), un Anglo-arabe qui avait tourné en jumping avec Jan Vinckier « et avait tout pour produire de supers chevaux de complet », souligne Baudouin van den Brande. L’éleveur ne s’est pas trompé, car Febus a notamment donné naissance à deux chevaux emblématiques du Haras : Freya des Concessions (2011, par Phedre de l’Herbu) et Gulliver des Concessions (2007, par Chimère des Concessions). La première tourne en CCI 4* avec Lara de Liedekerke-Meier tandis que Gulliver a notamment été vice champion de Belgique à 5 ans, champion à 6 ans et sélectionné pour le Mondial du Lion à 6 et 7 ans avec la même cavalière. Une blessure l’a empêché de continuer au plus haut niveau, mais il a néanmoins tourné en CCI 1 et 2* avec de jeunes cavaliers et retournera l’an prochain à Ciney pour sa retraite et pour reproduire.
En attendant, l’éleveur a toujours à disposition deux reproducteurs qui lui appartiennent : l’Irlandais Olympic Cruz (2007, Cruising x Clover Hill) qui a tourné en Grand prix 2* en obstacle et le Pur-sang Centeo xx (2005, Wagon Master xx x Zafonic xx) qui a couru jusqu’à l’âge de 10 ans. « Centeo a des qualités physiques énormes, et c’est pour ça que je l’ai choisi. Il saute bien, bouge bien, est franc et a bon caractère. Je l’apprécie aussi car peu importe que je le croise avec des Anglo ou des demi-sang, il donne toujours le même type de produits, à savoir des chevaux qui sont dans le sang sans être trop légers ni nerveux. » Olympic Cruz, quant à lui, a séduit l’éleveur car son père Cruising a produit de bons chevaux de complet, dont plusieurs tournent en CCI 4*. « Il est endurant, franc, bon sauteur,… Il n’a pas de failles », souligne son propriétaire. « Et surtout il convient bien à mes juments car il possède du sang comme elles, mais il apporte la stabilité de l’Irlandais dans les croisements. »
Actuellement, le cheptel du Haras des Concessions compte huit poulinières, dont la moitié est née à l’élevage et l’autre a été achetée ou confiée. Baudouin van den Brande essaie généralement de conserver un produit par génération, et n’hésite pas à alterner sport et élevage. Gladys des Concessions (2012), petite-fille de Rafinesse, a par exemple tourné à l’âge de 4 ans avant de se consacrer à la reproduction. A l’inverse, Havane des Concessions (2013, Lord Britten Z x Daguet de Terlong x) a pouliné et débute désormais dans le sport. Avec India des Concessions (2014, Heritable x x Escuro) et Dadaiste (2017, Dabirsim x Summer Wave), elle fait partie des quelques chevaux entrainés et montés en compétition par Amalia Heine, la cavalière du Haras. Certains produits sont aussi confiés à l’extérieur, comme Figaro des Concessions (2011, Mighty Magic x Daguet de Terlong x) qui évolue en international avec Julia Schmitz.
« Je valorise mes produits dans le sport car je pense qu’une poulinière comme un étalon doit prouver qu’il a des capacités et est apte au haut niveau », confie Baudouin van den Brande. « C’est en quelque sorte une façon pour moi de les évaluer, puisque les stud-books belges n’organisent pas de tests de performances. De plus, en complet on ne sait pas vraiment évaluer un cheval à 3 ans. Pour ma part, je commence à voir s’il est bon à partir de 6 ans. Avant ça, on peut juste espérer… »
Une passion avant tout
Ces particularités propres au monde du complet font que l’élevage de chevaux de cette discipline est difficilement rentable. Aujourd’hui, Baudouin van den Brande parvient à vivre de sa passion en combinant ses activités d’éleveur avec la distribution d’étalon et la gestion des poulinages des juments qui lui sont confiées en pension. « Il faut sans doute être un peu fou pour élever des chevaux de complet mais c’est tellement formidable quand ça va bien que je ne lâcherais pour rien au monde ! » Il faut dire que malgré la jeunesse de l’élevage et sa petite taille, le Haras des Concessions présente un bilan particulièrement satisfaisant. Un peu moins de 40 poulains y sont nés en une douzaine d’années et plusieurs d’entre eux ont participé au Mondial du Lion, se sont illustrés dans les championnats de Belgique pour jeunes chevaux, ont atteint le niveau 4* ou encore ont été approuvés comme étalons dans différents stud-books.
Baudouin van den Brande ne compte donc pas s’arrêter en si bon chemin et continuera à être toujours plus sélectif au sein de son Haras, en espérant un jour produire un cheval qui tournera en CCI 5*. En travaillant comme il le fait, il contribue aussi au développement d’une véritable filière d’élevage de complet, même si ce secteur n’a pas radicalement évolué depuis ses débuts : « Il faudra sans doute encore une vingtaine d’années pour que l’élevage de complet atteigne un niveau professionnel comme celui de jumping. Il y a toutefois des chances que cela reste majoritairement un monde d’amateurs, notamment car les cavaliers de complet gardent plus longtemps leurs chevaux, c’est donc une discipline moins commerciale. En ce qui me concerne, ce n’est clairement pas l’aspect financier qui me motive. J’aime faire naître les poulains, les emmener le plus loin possible puis passer la main aux cavaliers et voir la suite. C’est ma plus belle satisfaction. »