Des chevaux de Skyros élevés et valorisés en France pour préserver la race

Le Skyros est une race équine peu connue et pour cause : sa population se limite à environ 250 équidés, majoritairement basés en Grèce. Séduite par ces chevaux atypiques et touchée par la situation de la race, Clio Marshall a eu l’idée de créer Bouillon de poney, une association ayant pour objectif de soutenir la préservation du Skyros. Pour cela, elle importe et élève des chevaux en France et les place dans des familles où ils pourront être valorisés. En quelques années, les résultats sont déjà palpables !

Si vous vous promenez en Isère (France), vous risquez peut-être de faire une rencontre inédite et exotique sans le savoir ! Depuis quelques années, le territoire du Trièves héberge en effet un petit troupeau de chevaux de Skyros, une race antique très peu répandue hors de son berceau sur l’île grecque du même nom. On doit la présence de ces chevaux à Bouillon de poney, une association dont l’objectif principal est de préserver la race Skyros.

Tout a démarré au début des années 2010, lorsque Clio Marshall s’est rendue un hiver sur l’île de Skyros pour faire du volontariat dans les élevages équins locaux. Ayant des affinités avec les chevaux et la Grèce, elle est rapidement tombée amoureuse des petits chevaux de Skyros et a été touchée par la situation préoccupante de la race. « Beaucoup de races ont disparu en Grèce et les Skyros font partie des rares survivants, mais hélas ils sont menacés », explique la jeune femme. « La population se limite à environ 250 chevaux essentiellement basés sur l’île de Skyros et certains éleveurs doivent arrêter ou limiter la reproduction faute de moyens. Comme la Grèce a d’autres problèmes – notamment économiques – la préservation de la race est un sujet plutôt secondaire et il est difficile d’obtenir des financements pour cette cause. »

Plusieurs initiatives ont été mises en place sur l’ile de Skyros pour sauver ces chevaux miniatures et subvenir à leurs besoins, comme la communauté Skyros Island Horse Trust ou le centre d’élevage Mouries Farm. Clio Marshall a néanmoins souhaité apporter elle aussi sa contribution en créant Bouillon de poney, une association qui travaille à la préservation de la race depuis la France. « Je me suis dit qu’en valorisant le Skyros chez nous, on pourrait aider à maintenir la population de la race tout en générant peut-être des retombées financières et touristiques en Grèce. »

Des chevaux rustiques, doux et maniables

Pour faire connaître le Skyros en France, Clio Marshall et les sept autres membres de Bouillon de poney ont d’abord importé deux représentants de la race en 2014. Ceux-ci provenaient d’Ecosse, où un généticien avait importé plusieurs Skyros quelques années plus tôt dans le cadre d’un projet de recherche. « Nous avons commencé par deux hongres car on ne voulait pas se lancer dans la reproduction s’il n’y avait pas de débouchés derrière », raconte Clio Marshall. « Les chevaux de Skyros rassemblent un peu tous les bons côtés du poney. Ils sont très rustiques mais aussi doux, patients et faciles à manipuler grâce à leur petite taille. Ils sont également curieux et cherchent le contact donc on a immédiatement pensé qu’ils étaient idéaux pour l’équithérapie. Mais pour convaincre, il fallait pouvoir montrer des chevaux, c’est pourquoi nous en avons importés. »

Les premiers équithérapeutes qui ont eu l’occasion de travailler avec les Skyros ont été séduits par leur côté joueur et plein d’énergie. Cela a encouragé l’association Bouillon de poney à poursuivre son projet en important cette fois des reproducteurs Skyros directement depuis l’île où ils sont originaires. C’est ainsi que deux juments (Pandora et Pepper) et deux mâles (Echo, entier, et Eole qui est devenu hongre) de la race ont rejoint les prés de l’association en 2017. Grâce à ces chevaux, Bouillon de poney a fait naître les premiers poulains de race Skyros sur le sol français. Un à deux chevaux voient le jour chaque année et l’association essaye de les placer dans des endroits où ils pourront être valorisés grâce à leur utilisation. « Certains de nos chevaux de Skyros ont intégré des projets de médiation équine ou de travaux maraîchers et agricoles, notamment dans une ferme/gîte équestre », illustre Clio Marshall.

L’association garde toutefois un œil sur ses protégés, qui restent la propriété de Bouillon de poney. Pour ne pas perdre la trace des produits et pour ne pas dénaturer la race, les chevaux de Skyros sont en effet proposés à l’adoption via un contrat tout frais tout gain. Cela permet aussi aux adoptants de « rendre » les chevaux à l’association si jamais ils n’étaient plus en mesure de les assumer. En ce moment seul Litho, un poulain né en 2021, est encore proposé à l’adoption. Les autres produits nés chez Bouillon de poney ont quant à eux été placés un peu partout en France, chez des amateurs ou éleveurs heureux de contribuer à la préservation de la race.

Des avancées en France et en Grèce

L’association et ses chevaux ont notamment réussi à se faire connaître grâce au collectif Bouillon de poney qui y est lié et qui rassemble plusieurs professionnelles au service des chevaux (ostéopathes, enseignante spécialisée en biomécanique et gymnastique, conseillères en ergonomie de la selle et modification comportementale, etc). Cette équipe dont fait partie Clio Marshall prend en charge les soins du troupeau et reverse 2% de ses prestations au projet de sauvegarde des Skyros. Pour le reste, l’association finance principalement l’alimentation et l’entretien des chevaux grâce à des dons ou l’organisation d’évènements comme des rencontres, chantiers participatifs, etc.

Quelques années après la création de Bouillon de poney, les premiers poulains de l’association commencent à devenir adultes et les premières retombées se font sentir en France. Clio Marshall et le reste de l’équipe continuent toutefois à explorer les débouchés permettant de pérenniser la race et de valoriser les produits nés au sein de l’association. « Notre objectif n’est pas de relancer l’élevage de Skyros à grande échelle en France, mais peut-être d’ouvrir des lignées et qui sait, de renvoyer un jour des chevaux en Grèce où nous sommes en contact avec des éleveurs », confie la créatrice de Bouillon de poney. « Nous devons aussi veiller à ne pas dénaturer la race en la délocalisant. »

Heureusement, un standard de la race vient enfin d’être défini en Grèce. Cet outil devrait permettre lui aussi d’aider à la préservation des chevaux de Skyros. Grâce à ces diverses initiatives de préservation, l’avenir semble petit à petit se dessiner sous un jour meilleur pour cette race équine antique !