Anne Thiry : transmettre l’amour des chevaux et du travail bien fait
Anne Thiry est souvent associée à La Papelotte, centre équestre qu’elle a géré durant vingt ans, mais sa carrière est bien plus riche et étoffée que cela. Animée d’une véritable vocation pour l’enseignement, elle forme des cavaliers de tous niveaux depuis plus de 40 ans tout en continuant à enrichir ses connaissances dans différents domaines équestres. Une façon pour Anne Thiry de manifester son engagement sans faille envers ses élèves, mais aussi envers les chevaux et leur bien-être. Rencontre :
Ses élèves et les gens qui la connaissent parlent d’Anne Thiry avec un mélange de respect et d’admiration. Au fil des ans, il semble s’être formé autour de cette professeure d’équitation une véritable communauté, même presque une famille. Cela n’est sans doute pas étranger au fait qu’Anne Thiry est animée d’une passion sincère pour l’enseignement et les chevaux, et ce depuis presque toujours. « J’ai toujours aimé enseigner : petite, je jouais beaucoup à la prof avec mes poupées ! Et quand j’ai vu un cheval pour la première fois à l’âge de 5 ans, je suis immédiatement tombée amoureuse de cet animal », nous confie-t-elle. « J’ai cependant commencé l’équitation assez tard, vers 12 ans, parce que mes parents ne voulaient pas vraiment que je monte à cheval.»
Anne Thiry a fait ses premiers pas en selle à la Gaillemarde, a eu son premier poney vers 15 ans et a concouru dans les trois disciplines olympiques jusqu’à un niveau très correct : le 1* international en complet, la St-Georges en dressage et le mètre 10-15 en jumping. Elle monte encore régulièrement mais estime n’avoir jamais été une grande cavalière, peut-être parce qu’elle a toujours préféré et privilégié l’enseignement… A 13 ans, Anne Thiry aidait déjà les moniteurs pendant les stages et, depuis l’âge de 18 ans, elle n’a jamais cessé d’enseigner l’équitation. Les études imposées par ses parents ne l’ont en effet pas détournée de sa passion pour la transmission, ni pour les chevaux !
« Je n’ai jamais vu l’éleveuse (…) s’énerver sur un cheval et quand elle montait, on avait l’impression qu’elle ne faisait rien. Elle est devenue comme un mentor pour moi. »
« A la fin de mes études secondaires, je n’avais pas spécialement envie d’aller à l’université mais mon père voyait les choses autrement, donc en attendant que je trouve ma voie il m’a envoyée un an au Royaume-Uni pour apprendre l’anglais. J’ai négocié cela avec le fait de travailler dans un endroit avec des chevaux et c’est comme ça que j’ai passé un an dans un élevage de chevaux anglo et part-arabes. Ce fut un condensé d’apprentissages assez incroyable : j’ai fait de la monte en amazone, de la chasse à courre, des longues rênes, des présentations de juments suitées en concours de modèle et allures,… Tout cela avec un énorme respect des chevaux. Je n’ai jamais vu l’éleveuse, Deirdre Robinson, s’énerver sur un cheval et quand elle montait, on avait l’impression qu’elle ne faisait rien. Elle est devenue comme un mentor pour moi, et l’on s’est revues régulièrement jusqu’à son décès il y a quelques années. »
A la base, le père d’Anne Thiry pensait que cette première expérience professionnelle la dégoûterait des chevaux, mais c’est tout le contraire qui s’est produit ! Plus déterminée que jamais à travailler dans le milieu équestre à son retour en Belgique, elle a commencé à donner cours d’équitation à la Hussière en parallèle de ses études en traduction/interprétariat, puis de son régendat en Français/Histoire. L’obtention de ces diplômes n’a rien changé à sa trajectoire, qui est restée orientée vers l’enseignement équestre depuis les années 1980. « J’ai travaillé dans différents centres équestres comme La Hussière, l’Arc-en-Ciel et les Trois Vallées jusqu’en 2000, année où je suis arrivée à la Papelotte. J’ai été immédiatement attirée par l’endroit car même si les installations étaient un peu rustiques, c’est un lieu qui avait une âme, qui me parlait. »
Anne Thiry a géré ce poney club à Waterloo pendant plus de 20 ans et y a vécu de nombreux moments équestres comme personnels. « Mes enfants ont grandi là-bas, j’y suis restée longtemps et j’avais la gestion complète des écuries, donc ce fut évidemment une expérience marquante. Mais les quatre années que j’ai passées à l’Arc-en-Ciel à Genval ont été également très riches en moments importants. C’est pendant cette période que j’ai fait mes spectacles à Essen, à la Fiera Cavalli à Vérone ou encore aux Crinières d’Or à Avignon. Je vois encore des élèves de cette époque-là et je donne même cours à leurs enfants. »
Concours complet, spectacle et autres
Entre le début des années 1990 et la fin des années 2000, Anne Thiry a en effet mis au point avec ses élèves plusieurs grands spectacles équestres (He E Nalu, Cheval et Toiles,…) qu’elle a présentés en Belgique et sur de grandes pistes internationales. Un moyen pour elle d’exprimer sa créativité et son amour pour l’art, mais aussi de transmettre certaines connaissances et valeurs : « Le spectacle est un super outil pédagogique. Cela donne aux cavaliers un objectif, développe leur sens artistique et apporte de l’esprit de groupe dans un sport qui est très individuel. Tous ceux qui ont participé aux spectacles ont aussi progressé en équitation, parce que quand on monte devant 5.000 personnes à Avignon ou Vérone on ne peut pas présenter son cheval n’importe comment ! »
Comme l’illustrent ces spectacles, l’une des particularités d’Anne Thiry est de ne pas se cantonner à une discipline équestre, même si elle a une attirance particulière pour le concours complet. Elle a d’ailleurs emmené et encadré plusieurs cavalières jusqu’au niveau 3* international cette discipline, comme par exemple Célia Benay (championne de Belgique young riders en 2020) ou Laura Birkiye (championne de Belgique juniors en 2014 et 4e par équipe au championnat d’Europe 2015). « Je n’oblige aucun cavalier à faire du complet mais c’est mon outil pédagogique de prédilection car ça permet de toucher à tout, cela donne un sens de l’équilibre en terrain varié et de la préparation physique du cheval qu’on n’a pas forcément en dressage ou en obstacle – même si l’on devrait. »
Une ligne de conduite affirmée
De même qu’elle ne se cantonne pas à une seule discipline, Anne Thiry donne aussi bien cours à des enfants qu’à des adultes, à des débutants qu’à des confirmés, et elle en éprouve le même plaisir peu importe que leurs ambitions soient ou non d’aller en concours. « J’aime la compétition dans l’idée d’avoir des objectifs, mais je n’ai jamais mis de pression à mes cavaliers et ils n’ont pas d’obligation de résultats de ma part. Si cela arrive, je considère que c’est la cerise sur le gâteau, mais le gâteau est tellement plus agréable à manger ! L’essentiel est de prendre du plaisir, par contre je suis exigeante sur le fait de monter proprement. »
« Faire de l’équitation ne doit pas se résumer à se mettre sur le dos du cheval »
Au fil de ses années de pratique, Anne Thiry a en effet développé une éthique autour de son métier et accorde beaucoup d’importance à la sécurité, ainsi qu’au bien-être du cavalier et du cheval. Elle a par exemple toujours mis un point d’honneur à enseigner dans des endroits où les chevaux et poneys avaient l’occasion d’aller au pré, même si cela impliquait souvent de ne pas disposer de manège couvert. Elle veille aussi à transmettre le respect des équidés à ses cavaliers : « Faire de l’équitation ne doit pas se résumer à se mettre sur le dos du cheval », estime-t-elle. « Dès les premières leçons, j’apprends à mes élèves à préparer leur cheval, à détecter les signes de bien-être et de mal-être à pied, etc. C’est quelque chose que les parents ne comprennent pas toujours, mais les enfants adorent ! J’essaye aussi d’apprendre au plus tôt à mes élèves le ressenti. Ce n’est pas facile à enseigner et certaines personnes n’auront jamais de feeling mais même un enfant de 6-7 ans peut ressentir les postérieurs de son cheval. Il faut juste lui apprendre, d’abord en observant les sabots de son cheval lorsqu’il est à pied. »
Nouveau tournant, même passion
Malgré ses longues années d’expérience, Anne Thiry a toujours continué à se former, notamment dans des disciplines connexes comme l’Équitation Alexander (basée sur la prise de conscience et l’amélioration du fonctionnement de son corps à cheval). Au cours de sa carrière, elle a notamment obtenu le diplôme d’entraîneur (niveau 3) Adeps, et est entre autres devenue vice-présidente de l’AMEB (Association des Moniteurs d’Equitation Brevetés), membre ou consultante de diverses commissions à la LEWB et au GHCR, juge de dressage, chef de piste de cross, etc. Sa carrière a donc toujours été variée et animée, mais l’année 2023 a cependant marqué un tournant dans son parcours : après plus de 20 années en tant que gérante de la Papelotte, Anne Thiry a cédé les rênes du poney club pour redevenir « simplement » monitrice d’équitation. « J’y pensais depuis un peu avant le Covid, car seule cela devenait lourd de gérer 68 chevaux et surtout du personnel. J’avais envie de me recentrer sur l’enseignement et de travailler un peu moins – comprenez 10 heures par jour au lieu de 14 (rires). »
A présent, Anne Thiry se déplace à plusieurs endroits pour donner cours, mais elle a aussi établi une base aux Ecuries des Gotteaux (Chastre) où elle enseigne pendant une quinzaine d’heures par semaine et dispose de quelques chevaux d’école qui lui ont été confiés. « Cécile (ndlr : la propriétaire des lieux) et moi nous connaissons depuis longtemps et nous avons un peu la même philosophie. Il y a des prés pour que les chevaux sortent et dans la piste on est comme au milieu des champs. C’est ce que j’avais à la Papelotte et ce calme est important pour moi comme pour mes élèves. »
Après une quarantaine d’années de carrière, Anne Thiry semble toujours aussi passionnée par l’enseignement, et souhaite d’ailleurs profiter de la fin de sa carrière pour transmettre davantage son expérience aux autres professeurs d’équitation. « Je donne déjà des formations pédagogiques et je voudrais développer des formations continuées pour les moniteurs. Via l’AMEB et Wallonie-Bruxelles International (WBI), nous avons aussi un projet pour former des professeurs au Bénin, et un jour j’aimerais écrire un livre – sans doute quelque chose d’un peu humoristique. » Bref, Anne Thiry a encore des idées et des rêves plein la tête, qu’elle accomplira sans doute comme elle l’a toujours fait : sans trop se prendre au sérieux, mais en veillant à ce que le travail soit bien fait.
Pour en savoir plus sur Anne Thiry et suivre son actualité, rendez-vous sur son site