Donner des vacances à son cheval, bonne ou mauvaise idée ?
L’été étant synonyme de vacances, certains propriétaires profitent de cette période pour offrir des congés à leur cheval, par exemple en le mettant au pré. Cette idée part souvent d’une bonne intention et n’est pas systématiquement mauvaise, mais elle peut comporter des risques et ne convient pas à tous les équidés. Explications et conseils avec Shana Labed, vétérinaire nutritionniste et ostéopathe, et Pierre Dechamps, spécialiste en équitation naturelle.
Après une saison de concours ou durant l’été, il est fréquent pour certains propriétaires d’accorder des vacances à leur cheval, c’est-à-dire d’interrompre le travail (monté et/ou à pied) pendant quelques semaines, et même plusieurs mois. Cela peut être utile lorsqu’on souhaite partir en voyage, mais la première motivation des cavaliers est souvent d’offrir un peu de répit à leur monture, voire de laisser grandir leur jeune cheval. « Comme nous, une majorité de chevaux ont besoin de repos pour récupérer physiquement et mentalement, si bien qu’on a parfois l’impression d’un nouveau cheval à la reprise », souligne Shana Labed, vétérinaire nutritionniste et ostéopathe équin. Selon cette dernière, on ne peut toutefois pas généraliser les bénéfices des vacances pour les chevaux : « L’intérêt d’une pause va dépendre de plusieurs facteurs tels que l’âge, le niveau d’entrainement, le tempérament du cheval, etc. Un cheval pratiquant un travail intense aura par exemple besoin de plus de périodes de repos qu’un cheval de loisir. Un cheval très nerveux va peut-être s’ennuyer pendant les vacances et il faudra alors parfois prévoir de petites séances de travail afin d’éviter qu’il ne casse les clôtures ou ne se blesse. A l’inverse, certains chevaux plus posés ont besoin d’un vrai break. »
« Comme la personnalité et le comportement évoluent beaucoup entre l’âge de 3 et 5 ans, on peut retrouver un cheval complètement différent au moment de la reprise. »
Pierre Dechamps
Pierre Dechamps, spécialiste en équitation naturelle, constate lui aussi que les bénéfices et risques liés à un arrêt total dépendent fortement de l’âge, l’expérience et la personnalité des chevaux. « Il est fréquent que les chevaux de 3 ans aillent au débourrage pendant 1 mois et demi et puis aient plusieurs mois de repos au pré, mais c’est rarement une bonne idée car le travail n’est pas encore bien imprégné. Comme la personnalité et le comportement évoluent beaucoup entre l’âge de 3 et 5 ans, on peut retrouver un cheval complètement différent au moment de la reprise », illustre-t-il. De manière globale, Pierre Dechamps observe que la remise au travail après un arrêt complet est plus compliquée avec les jeunes étalons, les chevaux peu expérimentés, ou encore ceux qui ont du sang, beaucoup de sensibilité et/ou de caractère. « Si on laisse ce genre de cheval au pré en groupe dans une grande prairie par exemple, il risque de retrouver des instincts naturels de troupeau et de perdre un peu de connexion et de stabilité donc les vacances peuvent faire pire que mieux », prévient-il. « Sur 10 chevaux de sport que je peux croiser, il n’y en a généralement qu’un qui est suffisamment stable et positif pour pouvoir être arrêté complètement pendant plusieurs mois sans que cela change sa façon d’être dans le travail. »
« Le repos ne doit pas être synonyme d’abandon »
Ceci ne veut évidemment pas dire que les chevaux verts, sensibles ou avec du caractère ne peuvent pas profiter de vacances ! Il est en effet possible d’accorder un break à son cheval tout en s’assurant qu’il ne perde pas ses acquis. « On peut scinder l’éducation et l’activité physique contraignante », précise Pierre Dechamps. « Lorsque je vais en vacances avec mes enfants par exemple, ils profitent d’une liberté physique et mentale mais je n’abandonne pas pour autant leur éducation. C’est pareil avec les chevaux : le repos ne doit pas être synonyme d’abandon. Même pendant leurs vacances, on peut prévoir par exemple trois séances d’une quinzaine de minutes chaque semaine pour passer du temps avec eux, faire quelques rappels à pied par rapport au reculer et à d’autres mouvements, etc. » En fonction des chevaux, on peut aussi maintenir pendant les vacances des activités légères et de détente comme de la balade, des jeux et d’autres séances qui changent de la routine. Le fait de continuer à côtoyer régulièrement son cheval permet par ailleurs de surveiller son état de santé (voir ci-dessous), ou encore d’anticiper des dégradations au niveau de son comportement. Si par exemple il devient plus difficile à approcher ou à mettre au pré, une petite séance d’éducation peut être nécessaire avant que les choses dégénèrent.
Pour limiter les conséquences négatives d’un arrêt total vis-à-vis du comportement, une autre alternative peut être de prévoir des périodes de repos plus courtes, mais plus fréquentes. Au lieu d’un mois ou deux mois au pré par exemple, on peut aménager en cours d’année plusieurs périodes de vacances d’une ou deux semaines. « Mes poulains de 1 et 2 ans restent parfois un mois sans rien faire du tout, mais à partir de 3 ans je préfère généralement travailler pendant trois mois, leur laisser 15 jours de répit, reprendre le travail pendant 3 nouveaux mois, etc », illustre Pierre Dechamps. « C’est finalement la logique qu’adoptent les athlètes humains de haut niveau, qui prennent rarement de longues périodes de repos complet. »
En pratique : attention aux transitions
Bref, les vacances doivent se concevoir différemment selon les chevaux, notamment en termes d’activités, de durée, etc. Peu importe la formule choisie, Shana Labed rappelle que la clé pour éviter les problèmes est d’être progressif lors de chaque changement : « Un passage du boxe au pré et inversement est un stress pour le cheval. Au niveau comportemental, cela peut par exemple être mal vécu de passer d’un boxe individuel à un pré avec une dizaine de congénères. Concernant l’aspect nutritionnel, il faut s’assurer d’une transition progressive afin par exemple de ne pas risquer une diarrhée causée par un passage trop rapide à l’herbe, ou encore une colique avec un bouchon de paille lors du retour au boxe. Il faut aussi adapter l’alimentation au niveau d’exercice afin d’éviter une perte ou une prise de poids importante. »
La reprise du travail après les vacances nécessite elle aussi certaines précautions. « Selon les cas, il sera plus ou moins facile de retrouver le niveau d’exercice précédant les vacances », précise Shana Labed. « Il vaut donc mieux que le travail soit augmenté progressivement en intensité et fréquence à la reprise afin de revenir petit à petit au volume et au niveau souhaités. »
Enfin, une dernière chose essentielle à prendre en compte est le timing de ces vacances : « Pour les chevaux de loisir, l’été sera définitivement plus propice pour mettre un cheval au pré, où il pourra profiter d’herbe et d’espace. Cela pourrait même correspondre aux vacances du propriétaire », souligne Shana Labed. « Pour les chevaux de concours, cela va essentiellement dépendre du calendrier des compétitions, et le plus souvent le break se fera à la fin de la saison plutôt qu’en plein milieu de celle-ci. » Cela n’empêche évidemment pas les cavaliers de concours de ralentir un peu le rythme en cours de saison, mais en cas d’arrêt total mieux vaut se réserver une marge de temps suffisante pour retrouver le niveau technique et physique nécessaire pour concourir.
En résumé, offrir des vacances bénéfiques à son cheval implique tout d’abord de bien le connaitre pour trouver la formule qui lui conviendra le mieux : arrêt total ou non du travail, hébergement au pré en petit groupe ou en troupeau, pause de courte ou plus longue durée,… Ensuite, il faut garder à l’esprit que cette période de repos n’est pas synonyme d’abandon. Une présence humaine reste en effet nécessaire pour assurer entre autres que les changements se passent au mieux, que le cheval reste en bonne santé ou encore qu’il conserve certains acquis – notamment en matière d’éducation.