Julien Despontin : « L’excellence existe, mais il faut du temps pour l’atteindre »
Malgré un palmarès déjà bien étoffé en concours complet, Julien Despontin reste un cavalier relativement peu connu en Belgique. La dizaine d’années qu’il a passée en Allemagne au début de sa carrière n’est peut-être pas étrangère à ce constat, mais c’est bien dans son pays natal que le jeune homme a décidé de poursuivre son parcours. Implanté depuis quelques années dans la Province de Liège, il se consacre désormais au développement de son écurie, tout en préparant ses chevaux pour les grosses compétitions et les championnats. Rencontre :
Bien qu’encore en cours de développement, les installations de Julien Despontin à Soumagne sont pleines de charme ! En nous engageant dans la rue qui mène à ses écuries, nous découvrons d’abord en contrebas un manège moderne bardé de bois et entouré de prés, puis un ancien corps de ferme restauré. De jolies fenêtres par lesquelles les chevaux passent leur tête côté cour nous indiquent la direction des écuries, dans lesquelles nous retrouvons Julien Despontin. Alors que nous admirons l’aménagement soigné de l’écurie et les vieilles charpentes qui surplombent les boxes, le cavalier nous explique que les bâtiments étaient en piètre état lorsque sa famille a acquis les lieux il y a quelques années. « Ma mère a toujours eu peur des chevaux mais c’est elle qui a imaginé tout ça », précise-t-il en désignant l’écurie autour de lui. « A l’époque j’étais encore en Allemagne et elle m’appelait régulièrement pour me poser des questions techniques, comme par exemple quelle pente pouvait convenir aux chevaux pour le couloir qui relie les deux niveaux de l’écurie », s’amuse-t-il.
Avant de s’implanter à Soumagne en 2020 avec sa compagne Catharina Heitgress, Julien Despontin a en effet débuté sa carrière professionnelle en Allemagne. Il a quitté la Belgique après ses études secondaires et les 15 jours qu’il devait initialement passer outre-Rhin « se sont transformés en 6 mois, puis en 13 ans », note-t-il avec humour. Julien Despontin a d’abord passé quelques mois en apprentissage chez un cavalier de complet belge installé en Allemagne, ensuite il a rejoint l’écurie d’Andreas Ostholt où il a beaucoup appris. C’est aussi là que Julien Despontin a acheté Waldano 36, cheval avec qui il a monté ses premiers internationaux en 2010, a remporté le CIC 3* de Sopot en 2013, a été champion de Belgique en 2015 et a évolué jusqu’en CCI 4*. Désormais âgé de 23 ans, le hongre alezan est retraité mais il garde une place particulière dans le cœur du cavalier : « Il est le roi de l’écurie », explique Julien Despontin en caressant son fidèle compagnon. « A présent, il éduque les poulains au pré ! »
Après son expérience chez Andras Ostholt, Julien Despontin est resté en bons termes avec le cavalier, pour qui il monte d’ailleurs régulièrement des jeunes chevaux. Le jeune homme a poursuivi sa carrière en Allemagne en tant que coach et cavalier indépendant, ce qui lui a permis d’élargir ses horizons et de croiser la route de chevaux étonnants comme Vertigo WAF : « Je l’avais acheté à 2 ans et demi pour pas trop cher, comme on l’a toujours fait », raconte le cavalier. « J’avais le sentiment que c’était l’un des meilleurs chevaux au monde mais il sautait beaucoup trop fort sur le cross donc je me suis forcé à le sortir en jumping et à faire mes premières épreuves sur 1m40, même si ce n’était pas forcément mon truc. Nous l’avons ensuite vendu et ces dernières années, il a sauté la Finale de la Coupe des nations de jumping à Barcelone avec un cavalier argentin (ndlr : Tomas Galilea) ! »
Lorsqu’il était indépendant en Allemagne, Julien Despontin a aussi travaillé à mi-temps pour l’écurie de dressage de Jürgen et Christoph Koschel, où il a développé ses compétences dans cette discipline. « Ma famille a acheté chez lui un cheval exceptionnel : Don Bettino. Malheureusement sa carrière s’est arrêtée tôt, mais sa vente nous a permis de construire l’écurie ici à Soumagne. »
« Il a fallu presque repartir de zéro car ce que j’ai fait en Allemagne pendant 13 ans ne compte pas vraiment ici. »
Après 13 ans en Allemagne, Julien Despontin est en effet revenu en Belgique début 2020 et s’est implanté avec sa compagne Catharina Heitgress dans les installations construites avec sa famille en région liégeoise. Le cavalier ne regrette pas ce choix, mais il avoue que ces dernières années n’ont pas été des plus faciles : « Il a fallu presque repartir de zéro car ce que j’ai fait en Allemagne pendant 13 ans ne compte pas vraiment ici. On dirait que les gens ne connaissent pas mon parcours ou mon palmarès. Par exemple, quand je suis allé à Pau l’an dernier plusieurs personnes m’ont félicité pour mon premier 5* alors que j’avais déjà monté ce concours en 2014 avec Waldano… Le système belge est aussi un peu différent de celui allemand, où davantage de propriétaires confient leurs chevaux en pension travail. »
A son retour en Belgique, Julien Despontin a aussi dû reconstituer une équipe et trouver par exemple des fournisseurs, vétérinaire, ostéopathe, etc. Le cavalier peut heureusement compter au quotidien sur l’aide de sa compagne, qui est elle aussi cavalière et avec qui il est très complice.
Côté sport, le déménagement n’a pas vraiment ralenti la carrière du coach et cavalier belge, qui dispose toujours de plusieurs chevaux pour tourner en internationaux. Quick Fiddlestick lui a par exemple permis de prendre la 2e place du cross indoor de Stuttgart l’an dernier et la 7e position du CCI 3*-L de Kronenberg début 2024, et le cheval devrait prendre la direction des 4* cette année. Julien Despontin dispose déjà de deux montures pour ce niveau, à savoir Clever Man WAF avec qui il s’est classé 2e du CCI 4*-L de Strzegom en 2023, et Honeyblue qui a terminé le 5* de Pau l’an passé. Ce dernier est arrivé il y a quatre ans chez le cavalier et continue à progresser en attendant d’être commercialisé, alors que Clever Man WAF appartient à la famille.
« Tout le monde a rigolé de mon choix quand Clever Man est arrivé à la maison »
« On l’a acheté alors qu’il n’était pas débourré et je lui ai en quelque sorte sauvé la vie car il se laissait mourir dans une stabulation. Les autres chevaux que j’avais vus ce jour-là sautaient mieux que lui, mais malgré son état il était le seul à tout donner pour ne pas faire de barre. Mon père m’a demandé si c’était vraiment lui que je voulais, tout le monde a rigolé de mon choix quand Clever Man est arrivé à la maison mais il a fait taire tout le monde lorsqu’il s’est mis à trotter dans la prairie. Aujourd’hui je dirais qu’il est aussi bon que bizarre, car il tourne en 4* mais peut être très maladroit et avoir d’étranges réactions ! »
Julien Despontin a toujours débourré et formé de jeunes chevaux, et depuis quelques années il s’est également mis à élever un poulain par an. Candy Crusher, l’ainé, est âgé de 5 ans et devrait prendre la suite. « Il y a un petit trou de quelques années entre lui et mes chevaux de tête, mais je ne suis pas figé sur la relève. Ma priorité en ce moment est de bien faire tourner les écuries et terminer les installations. » Le cavalier dispose déjà de toutes les infrastructures nécessaires pour travailler et héberger confortablement les chevaux (boxes, prés et paddocks, grand manège couvert, piste de galop, rond de longe,…), mais il projette à présent de compléter son écurie avec une piste extérieure et davantage de boxes.
Julien Despontin ne met pas non plus entre parenthèses ses ambitions sportives et, lorsqu’on lui demande s’il souhaiterait un jour représenter la Belgique lors d’un grand championnat, il répond sans hésiter par l’affirmative : « J’avais notamment l’occasion de participer au championnat d’Europe avec Waldano en 2015 mais j’ai préféré renoncer car le cheval n’était pas très en forme à ce moment-là. J’aimerais évidemment m’aligner aux Jeux olympiques de Paris cet été avec Clever Man, cependant je vois avant tout ce genre d’évènement comme une cerise sur le gâteau. Avec Catharina on se concentre pour faire tourner l’écurie et améliorer notre système, tout en sachant que ce sont des ingrédients indispensables pour me permettre de m’aligner en championnat. On dit en effet que l’excellence existe, mais qu’il faut du temps pour l’atteindre ! »
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