Selon une étude, les chevaux sentent littéralement les émotions humaines
On dit souvent que les chevaux ont un sixième sens qui leur permet de ressentir les émotions humaines. Et s’il subsiste une part inexpliquée à ce sujet, on sait déjà que les équidés se servent notamment de leur vision et leur ouïe pour percevoir la peur, la colère, la joie et toute une palette de sentiments. Mais selon une étude récente réalisée en France, les équidés seraient aussi capables de cerner nos émotions… grâce aux odeurs corporelles. Explications :
Comme nous l’avions détaillé dans un précédent article, l’odorat du cheval est un sens particulièrement développé, mais dont on ignore encore beaucoup de choses. On sait néanmoins que les odeurs peuvent jouer un rôle dans la relation entre chevaux et avec les humains, notamment car l’odorat fait partie des multiples sens au travers desquels les équidés peuvent percevoir nos émotions. En plus de voir ou entendre nos sentiments, les chevaux pourraient en effet littéralement les sentir via notre sueur. Il semblerait en effet que les glandes sudoripares de l’aisselle libèrent des composés (adrénaline, etc) dont la nature et/ou la quantité varient selon l’état émotionnel de l’humain, et les chevaux percevraient ces nuances grâce à leur odorat développé.
Mythe ou réalité ? Des scientifiques français ont cherché à en savoir plus sur ce sujet en menant une étude publiée sur nature.com. Ils ont voulu déterminer d’une part si les équidés pouvaient distinguer les odeurs corporelles humaines émanant d’un état joyeux ou d’un état de peur, et d’autre part si la mise en contact avec ces odeurs engendrait une réaction émotionnelle chez les chevaux. Pour ce faire, les chercheurs ont utilisé un groupe de 30 juments habituées à fréquenter des soigneurs et des chercheurs. Ils ont récolté les odeurs utilisées pour leur test auprès de 24 personnes ayant été exposées séparément à deux vidéos : l’une destinée à susciter de la joie, l’autre de la peur. Après le visionnage de chaque film, les scientifiques ont prélevé la sueur sous les aisselles grâce à des cotons et t-shirts que les participants ont spécifiquement porté pour l’occasion. Les échantillons ont été conservés soigneusement, puis placés sur des bâtons qui ont été présentés aux chevaux du test à travers une barrière. Pour ne pas fausser les résultats, les humains qui exécutaient l’expérience étaient dépourvus de parfum et portaient un masque pour cacher leurs expressions faciales.
Le test avec les chevaux utilisait un protocole « d’habituation-discrimination » : chaque équidé a d’abord été confronté deux fois de suite à la même odeur, puis les chercheurs ont présenté l’odeur connue en même temps qu’une autre inconnue. La moitié des chevaux participant à l’expérience a par exemple senti l’échantillon lié à la peur deux fois de suite et de manière isolée, puis on leur a de nouveau présenté cette odeur en même temps pour celle extraite en situation de joie. Les scientifiques ont procédé à l’inverse avec l’autre moitié des chevaux : d’abord l’odeur suscitée par la joie, puis l’autre par la peur.
Plus de réaction face à la peur
A l’issue de l’expérience, les chercheurs ont remarqué que les chevaux à qui l’on avait présenté en premier et plusieurs fois l’odeur provenant de la joie avaient moins reniflé celle-ci que les équidés qui avaient été exposés prioritairement à l’odeur liée à la peur. Pour les scientifiques français, cela voudrait dire que les chevaux se sont plus facilement habitués à l’odeur de type « joie » qu’à celle provenant d’une condition de peur. Une explication pourrait être que l’odeur de la peur est plus stimulante pour les chevaux, car plus intense que celle de la joie. Ce phénomène a déjà été observé chez les humains et il serait logique selon les chercheurs qu’en tant que proies, les chevaux soient davantage alarmés par l’odeur provenant d’un humain qui a peur.
L’expérience a également prouvé que les chevaux étaient tout à fait capables de différencier les odeurs liées à différentes émotions. Lors du second test mettant en présence la senteur présentée plusieurs fois et l’autre inconnue (peu importe leur type), les équidés ont en effet passé beaucoup plus de temps à renifler l’odeur qu’ils ne connaissaient pas encore.
Contagion émotionnelle
En plus du temps de reniflage, les chercheurs se sont aussi intéressés à l’utilisation des naseaux durant l’expérience. Il s’est avéré que les chevaux utilisaient plutôt leur naseau gauche pour capter l’odeur qu’on leur a présentée plusieurs fois, par contre ils employaient davantage leur naseau droit lorsqu’ils étaient confrontés à une nouvelle odeur en parallèle de celle déjà connue. Cela confirme d’autres études ayant démontré que les chevaux ont tendance à utiliser leur naseau droit pour renifler de nouveaux éléments et, selon les scientifiques français, c’est une preuve supplémentaire que les chevaux du test différenciaient les deux odeurs présentées.
Une autre observation intéressante de l’étude est que les chevaux ont plus utilisé leur naseau gauche pour renifler l’odeur de joie, mais pas celle de peur. Or, le naseau gauche est celui dont les fibres nerveuses se projettent vers l’hémisphère gauche du cerveau, une zone davantage stimulée chez les chevaux pour écouter des vocalisations des congénères, des voix humaines associées à une expérience positive,… Le fait que les chevaux reniflent davantage l’odeur liée à la joie avec leur naseau gauche voudrait donc dire qu’ils associent celle-ci à quelque chose de positif – contrairement à l’odeur marquée par la peur.
Les chevaux sont donc bien sensibles aux émotions que les humains véhiculent via leurs odeurs, et selon les scientifiques ces odeurs peuvent elles-mêmes influencer les émotions des chevaux, soit via une réponse spontanée aux composés chimiques présents dans ces odeurs, soit via le fait que les chevaux aient associé ces odeurs à des situations dans lesquelles elles se présentent. « Cette étude ajoute l’olfaction à l’audition et à la vision en tant que sens par lesquels les chevaux perçoivent les émotions humaines et peuvent être influencés par elles », écrivent les chercheurs tout en ajoutant que « ces perceptions peuvent affecter les interactions entre les chevaux et leurs propriétaires, cavaliers ou gardiens ».
En tant qu’humain, c’est une chose intéressante à savoir lorsqu’on fréquente les chevaux, même si influencer la chimie de ses odeurs corporelles est a priori bien moins évident que de contrôler sa voix ou sa gestuelle. La clé serait alors plutôt de travailler sur ses émotions puisque comme on l’entend souvent, « on ne peut pas mentir aux chevaux », et cette étude le confirme.