L’odorat du cheval, un sens à utiliser davantage ?
Parmi les cinq sens, l’odorat du cheval est sans doute l’un des moins pris en compte. Les connaissances scientifiques à ce sujet sont en effet limitées, or elles auraient sans doute de l’intérêt pour aider à mieux comprendre certains comportements ou encore pour améliorer les interactions hommes/chevaux. Des chercheurs se sont penchés sur la question et ont fait des découvertes intéressantes, notamment par rapport à la façon dont les équidés réagissent aux odeurs en fonction de leur sexe, leur âge, etc.
Comme beaucoup d’autres animaux, les chevaux ont des sens particulièrement développés, et l’odorat n’y échappe pas ! En plus de leurs naseaux, les équidés disposent par exemple d’un organe voméro-nasal (ou organe de Jacobson) qui est situé sur le plancher des fosses nasales et permet de capter des odeurs et des phéromones. C’est notamment cet organe qui est sollicité lors du flehmen, ce comportement lors duquel le cheval retrousse sa lèvre supérieure afin d’analyser certaines senteurs.
Si l’odorat du cheval est si développé, c’est notamment parce qu’il sert dans de nombreuses situations. Les équidés ont en effet le réflexe de découvrir et explorer leur environnement, leurs congénères ou encore leur alimentation en les flairant. Par ailleurs, pour les étalons, le marquage par les urines et crottins est également lié à l’olfaction.
Du côté des cavaliers, on utilise parfois les odeurs pour calmer les chevaux, comme par exemple la lavande dont les effets apaisants ont été démontrés. Toutefois, l’odorat du cheval reste un sens très peu pris en compte dans sa gestion au quotidien comme dans les études scientifiques. C’est le constat réalisé par Maria Vilain Rørvang et Klára Ničová, chercheuses dans des universités suédoise et tchèque, dans un article publié sur la plateforme Frontiers. Les deux scientifiques soulignent qu’il serait intéressant de disposer d’informations plus précises sur l’odorat du cheval, à la fois pour aider à comprendre certains comportements et donc réduire le risque de situations dangereuses, mais aussi car « il peut y avoir un potentiel inexploré d’utiliser des odeurs dans plusieurs situations pratiques où les humains interagissent avec les chevaux ». Les odeurs peuvent en effet servir de stimulus ou moduler certains comportements, il pourrait donc être intéressant de connaitre par exemple quelles odeurs peuvent calmer ou inquiéter les chevaux, lesquelles sont neutres pour eux, etc.
Curiosité pour les nouvelles odeurs
Pour en savoir plus à ce sujet, les scientifiques Maria Vilain Rørvang et Klára Ničová ont décidé de mener une expérimentation auprès de 35 chevaux islandais de différents sexes et âges (de 6 mois à 25 ans). Elles leur ont présenté quatre odeurs a priori nouvelles car non utilisées dans l’alimentation ni les produits d’entretien de l’écurie : l’orange, la menthe poivrée, le bois de cèdre et la lavande. Ces senteurs sous forme d’huiles odorantes étaient présentées aux chevaux dans des boites placées devant leur boxe, et qu’ils pouvaient facilement sentir et toucher en penchant leur encolure par-dessus une paroi. Pour éviter que les résultats de l’expérience soient biaisés, les chevaux ont été habitués au préalable à une boite neutre en odeur et ils étaient hébergés dans un environnement connu, avec possibilité d’interagir avec leurs congénères.
Chaque odeur a été présentée trois fois de suite aux chevaux, en respectant toujours une pause de deux minutes avant de leur présenter une odeur identique ou nouvelle. Cela a permis aux scientifiques de constater que les chevaux reniflaient beaucoup plus chaque senteur la première fois qu’elle se présentait à eux. Il semblerait donc que les équidés s’habituent facilement aux odeurs lorsqu’elles sont présentées de façon successive.
Le comportement le plus courant face aux odeurs était cependant le léchage, mais celui-ci variait selon les chevaux et les odeurs. Les chevaux avaient aussi tendance à couramment mordre le dispositif, mais aucun n’a pratiqué le flehmen. Quelques équidés ont reniflé et reculé face aux senteurs, toutefois ce comportement indicateur d’une aversion était plutôt faible et n’augmentait pas avec le temps. Selon les scientifiques, cela pourrait indiquer que le recul était principalement lié à la nouveauté de l’odeur, car les chevaux réagissent souvent avec peur face à ce qui leur est inconnu.
Une préférence pour la menthe
Si aucune odeur n’est apparue comme particulièrement désagréable pour les chevaux, il semblerait que la menthe poivrée les attire davantage que la lavande, l’orange ou encore le bois de cèdre. Lors de l’expérience, les chevaux ont en effet davantage léché et mordu la menthe poivrée que toutes les autres senteurs. C’est aussi cette odeur qu’ils ont flairée le plus longtemps.
La menthe poivrée est couramment utilisée comme arôme dans les friandises et aliments pour chevaux, les électrolytes ou encore les insectifuges, les scientifiques ont donc pensé que les chevaux avaient pu la percevoir comme comestible, ce qui explique ces comportements plus marqués. En discutant avec les responsables de l’écurie participant à l’expérience, les scientifiques ont cependant appris qu’aucun des jeunes chevaux n’avait été exposé à la menthe poivrée auparavant. Selon les chercheuses, cela soutien la théorie selon laquelle cette odeur suscite un intérêt inné chez les chevaux. Elles précisent aussi que « la menthe poivrée peut ainsi, en plus d’activer le nerf olfactif, avoir activé le nerf facial et glossopharyngien (innervation gustative de la langue), entraînant le comportement de léchage et de morsure. Pour le jeune groupe de chevaux (…), cela pourrait indiquer que ceux-ci ont pu lier l’odorat au goût, ce qui n’a jamais été démontré auparavant. »
Des différences selon l’âge
Outre les préférences, les chercheurs ont aussi voulu analyser si les comportements liés à l’odorat variaient selon le sexe, l’âge ou encore la gestation. Il s’est avéré que les juments pleines flairaient moins les odeurs que celles non gestantes, par contre les comportements (y compris léchage et morsure) n’étaient pas différents selon les mâles (étalons et hongres) et femelles.
Au niveau de l’âge, il s’est avéré que les jeunes chevaux de 0 à 5 ans humaient significativement plus longtemps le bois de cèdre que les chevaux âgés. Selon les scientifiques, cela pourrait être le résultat d’une détérioration des capacités olfactives des chevaux âgés (âge moyen : 16 ans) car chez les humains, « il a été démontré que les patients ayant une fonction olfactive réduite expriment des comportements d’exploration des odeurs moins fréquents ». Une autre explication pourrait être que les chevaux âgés ont moins reniflé le bois de cèdre car ils auraient déjà été exposés à des odeurs similaires. L’intérêt lié à l’effet de nouveauté serait donc réduit.
Un potentiel à explorer
Cette étude mérite des approfondissements mais elle a permis de mettre en évidence que les chevaux étaient capables de distinguer les odeurs – voire de les associer à un goût -, et que leurs comportements pouvaient varier selon leurs préférences mais aussi probablement selon leur âge. Selon les scientifiques suédoise et tchèque, l’odorat du cheval pourrait ainsi à l’avenir être relié à la physiologie et la santé, par exemple pour enrichir son environnement ou moduler son comportement.
En attendant de disposer de plus d’informations scientifiques, rien ne vous empêche d’observer les réactions de votre cheval face aux odeurs courantes (non toxiques bien sûr) et de décrypter lesquelles semblent lui plaire ou encore l’apaiser !
Retrouvez ici l’étude complète (en anglais) de Maria Vilain Rørvang et Klára Ničová.