Cheval en pension : quels droits et obligations pour les propriétaires d’équidés et les gestionnaires d’écuries ?
Lorsqu’ils placent leur cheval en pension, les propriétaires s’intéressent généralement aux infrastructures, aux services, mais plus rarement aux aspects légaux. Il est vrai qu’en règle générale, la question des obligations et des droits de chacun ne se pose pas, par contre elle peut devenir cruciale en cas de différend ou de litige… Anne De Bie, avocate au sein du bureau Equilegis, nous détaille quelques notions légales à connaître aussi bien en tant que propriétaire de chevaux que gestionnaire d’écurie :
Alimentation, entretien, infrastructures pour la détente et le travail,… Les propriétaires qui mettent leur cheval en pension cherchent généralement le meilleur pour leur compagnon. Malheureusement, il peut arriver que les choses se passent mal et que des différends apparaissent avec le gestionnaire de l’écurie. Les conflits peuvent par exemple naître à la suite d’un accident, d’un désaccord sur la façon de gérer les équidés, d’une dégradation causée par le cheval, etc.
Quand tout se passe bien, peu de gens s’intéressent aux responsabilités, droits et devoirs du propriétaire du cheval et/ou de la personne qui héberge l’équidé. Mais lorsque les choses dégénèrent, ces notions deviennent souvent cruciales, notamment devant un tribunal ou au cours d’une procédure de médiation.
En premier lieu, il faut savoir que « lorsqu’on confie son cheval en pension dans une écurie, un contrat de dépôt est tacitement instauré », précise Anne De Bie, avocate au sein du cabinet Equilegis qui fournit des informations, conseils et assistances juridiques dans le secteur équestre. « Sous ce contrat tacitement instauré, des obligations spécifiques émergent, engageant le dépositaire à veiller attentivement sur la monture et à la restituer en bon état à tout moment. » Ce contrat tacite s’applique aussi bien quand on signe un contrat écrit que lorsqu’on établit un simple accord oral avec la personne qui va héberger le cheval.
Le responsable de l’écurie a notamment le devoir de préserver la santé et la sécurité du cheval, de le protéger de tout risque de vol, de perte ou de détérioration (blessures ou autres). La charge de l’hébergeur inclut aussi l’entretien quotidien et les soins nécessaires à l’équidé. « Le devoir principal du dépositaire est, bien sûr, de restituer le cheval dans l’état initial, tel qu’il était au moment du dépôt », précise Anne De Bie. « Si malheureusement une blessure ou une maladie survient, l’écurie est présumée responsable, ce qui oblige celle-ci à démontrer qu’aucune faute n’a été commise de sa part. »
L’avocate d’Equilegis ajoute aussi une notion très importante : « Sauf dispositions contractuelles contraires, le dépositaire ne peut en aucun cas faire usage du cheval déposé. » Cela veut dire concrètement que le gestionnaire de l’écurie ne peut pas utiliser le cheval pour des cours, du travail, des entrainements, etc.
Cas particulier : la pension travail
Puisque dans le cadre d’une pension classique l’hébergeur ne peut pas faire usage du cheval, le travail à proprement parler de l’équidé entre dans une autre catégorie : « Lorsque le cheval est confié pour un entraînement ou un débourrage à un cavalier, un contrat de prestation de service prend le relais », précise Anne De Bie. « Le propriétaire verse en effet une somme d’argent en échange du travail effectué sur son cheval. »
Dans ce cas, le cavalier en charge de l’entrainement a pour obligation de mettre en œuvre son expertise afin d’améliorer les capacités du cheval. « Si le propriétaire n’est pas satisfait du résultat, c’est à lui d’apporter la preuve d’une faute commise par le cavalier dans le cadre de l’entraînement », souligne toutefois l’avocate. Démontrer ce genre de faute n’est généralement pas facile, et souvent le plus éloquent est la preuve par l’absurde : le cheval est par exemple retiré au cavalier qui n’a pas rempli sa mission (débourrer, sortir sur des parcours plus haut en jumping,…), et quelques mois après avoir été confié à quelqu’un d’autre l’équidé remplit toutes les attentes.
Évidemment, il est fréquent que le contrat de service pour le travail du cheval et le contrat de pension se superposent, car souvent le cavalier exerce son activité dans ses propres installations. Quand c’est le cas et que l’animal se blesse, il est primordial de déterminer si cette blessure survient lors de la phase d’hébergement ou durant celle d’entrainement : « Dans le premier cas, c’est au cavalier de prouver qu’il n’a commis aucune faute, tandis que dans le second, c’est au propriétaire du cheval d’établir la faute du cavalier. Il existe également une phase hybride, par exemple lorsque le cheval se blesse dans la douche après l’entraînement ou lors de son chargement dans un camion avant une compétition. La jurisprudence a introduit la notion de « phase de soin » et applique alors la règle de responsabilité du contrat d’entreprise, exigeant du propriétaire du cheval la preuve de la faute en cas de blessure. »
Des responsabilités partiellement exonérables
En bref, si un problème survient à l’écurie (blessure, évasion,…), l’hébergeur de l’équidé est généralement présumé responsable car il n’aura pas respecté son devoir de veiller sur le cheval et de le restituer dans son état initial. Lorsque les blessures ou autres surviennent à l’entrainement par contre, ce sera au propriétaire du cheval de prouver que le cavalier est bien fautif.
« L’exonération de responsabilité ne s’appliquera pas en cas de faute lourde, à savoir une erreur inexcusable qu’une personne raisonnable n’aurait pas commise dans les mêmes circonstances.»
Pour se prémunir de cela, beaucoup d’écuries et de cavaliers utilisent des conventions avec des clauses d’exonération de responsabilité. C’est tout à fait légal mais Anne De Bie précise que « l’exonération de responsabilité ne s’appliquera pas en cas de faute lourde, à savoir une erreur inexcusable qu’une personne raisonnable n’aurait pas commise dans les mêmes circonstances. Par exemple, l’abandon d’une fourche dans un boxe en présence d’un cheval. De plus, l’exonération ne peut jamais couvrir une faute intentionnelle ni vider le contrat de sa substance. » On ne peut en effet pas ôter toutes les obligations d’un contrat : si un cheval a été confié à l’entrainement, il ne sera par exemple pas valable de décliner toute responsabilité si la monture n’a pas été entrainée.
En bref, bien que les clauses d’exonération de responsabilité soient courantes, elles ne peuvent évincer toutes les responsabilités – notamment en cas de faute grave ou intentionnelle. Les parties engagées dans ces contrats souvent complexes et délicats préservent donc leurs droits fondamentaux.
Pour plus d’informations sur le droit équin, rendez-vous sur le site du cabinet Equilegis.