Louna Schuiten : « C’est rare de croiser la route d’un cheval comme Sabah du Courtisot »
Alignés au championnat d’Europe d’endurance d’Ermelo ce jeudi, Louna Schuiten et son cheval Sabah du Courtisot ont signé le meilleur résultat de leur carrière en terminant sixièmes. La performance est d’autant plus belle que Sabah est âgé de 17 ans, et a tenu tête aux meilleurs chevaux européens alors qu’il était promis à la retraite il y a deux ans… Focus sur les résultats de la compétition et les impressions de Louna Schuiten :
Organisés à Ermelo (Pays-Bas), les championnats d’Endurance seniors se sont conclus par un final au sprint remporté par l’Allemande Sabrina Arnold (Easy El Boheira) devant la multiple championne espagnole Maria Alvarez Ponton (Bolchoi El Akim). Le Français Philippe Tomas s’est quant à lui emparé de la médaille de bronze individuelle avec Biwaka de Chalendrat, ainsi que de l’or collectif avec l’équipe française. L’Espagne a remporté l’agent, tandis que l’Allemagne a fini en bronze.
Aucune des autres nations au départ n’a réussi à franchir la ligne d’arrivée avec une équipe complète, y compris la Belgique. Karin Boulanger (Jadara’h) et Nicolas Willems (Aida) ont été éliminés en phases 2 et 4 alors que Peter Bastijns (Havana de Bozouls) et Hemeline Piront (Kebelle) et ont été écartés avant la dernière boucle de cette course de 160 km, respectivement pour métabolisme et allures irrégulières.
La Belgique a toutefois pu se consoler avec la très belle 6e place individuelle de Louna Schuiten et son fidèle Sabah du Courtisot. Après des 9e et 10e positions lors des championnats d’Europe 2019 et 2021, puis une 15e place au championnat du monde un peu plus tôt cette année, le couple a non seulement signé une nouvelle réussite en championnat, mais en plus il a décroché son meilleur classement ! Nous avons recueilli les impressions de la cavalière belge au lendemain de la course :
Louna Schuiten, félicitations pour ce classement. Qu’est-ce qui vous a permis de réaliser à Ermelo votre meilleure performance en championnat avec Sabah du Courtisot ?
A chaque fois qu’on allait sur un championnat auparavant, on n’avait jamais de gros objectifs. Je faisais une course d’attente et je terminais dans le Top 10 parce qu’il y avait de la casse devant et que les autres se faisaient éliminer. Cette fois, voyant que le cheval était vraiment bien, que les conditions étaient réunies pour essayer de faire quelque chose de bien, on avait convenu que je suive la tête de course dès le départ. Je voulais être avec les premiers tout en sachant que je ne saurais pas faire une grosse dernière boucle. Finalement je les ai suivis jusqu’à 3 kilomètres de l’arrivée, puis quand ils sont partis à 30-35 à l’heure Sabah ne savait pas suivre, c’est juste impossible pour lui.
Sabah est le cheval de ma vie, il est vraiment exceptionnel mais il n’a pas une grosse vitesse ou un gros déplacement. Donc suivre des chevaux aussi qualiteux, expérimentés et forts que ceux qui étaient à Ermelo, c’est sûr que c’était un peu ambitieux !
Cette sixième place est donc satisfaisante pour vous, même après avoir fait une bonne partie de la course en tête ?
C’est énorme ! En fait, la différence entre cette 6e place à Ermelo et ma 9e place à Euston Park il y a deux ans, c’est qu’hier je suis arrivée à 8 minutes des premiers alors qu’en 2021 j’étais à une heure et demie de la tête. Tout le monde connait Sabah du Courtisot, et ce qu’il a fait lors de ces derniers championnats suscite le respect. Mais de base il apparait plutôt comme un cheval normal. Il n’est pas très impressionnant dans son déplacement, par contre il a d’autres qualités qui font qu’il s’en sort. Il a par exemple un excellent cardio, ce qui me permettait de rentrer à chaque fois première au contrôle vétérinaire. Ça a d’ailleurs un peu impressionné car tout le monde sait qu’il a un bon cœur, mais de là à être devant des chevaux qui sont en pleine fleur de l’âge alors qu’il a 17 ans…
L’histoire est d’autant plus belle et impressionnante qu’il y a deux ans, vous aviez prévu de mettre Sabah à la retraite (lire notre article sur le sujet). Que s’est-il passé depuis lors ?
Sabah a eu pas mal de soucis dans les membres par le passé même s’il est très solide. En 2021, il revenait de blessure et au championnat du monde à Pise il s’est mis à boiter de l’antérieur qui va toujours bien d’habitude. J’avais alors décidé de l’arrêter mais deux jours après la course, il était de nouveau magnifique. Il y avait les championnats d’Europe quelques mois plus tard cette année-là et comme il était bien on a fini par le préparer pour l’épreuve. Il l’a fait, on a terminé 9e et depuis ce jour, on n’a plus jamais eu un seul souci avec sa santé.
C’est ça le plus dingue : on n’y croyait plus puis on a retenté le coup et ça a fonctionné. On sait bien sûr comment faut entraîner Sabah, mon conjoint (ndlr : Pierre Auffret) qui est son entraineur a trouvé la bonne manière de le gérer : il fait exclusivement de la plage, il ne travaille jamais sur de mauvais terrains,… Sur la piste je suis ses yeux car il trébuche beaucoup, donc je lis le terrain pour lui. D’ailleurs à Ermelo Sabah a déferré en trébuchant, on a fait 15 kilomètres sans fer mais après un referrage et un réexamen, il était nickel pour continuer. C’est rare de croiser la route d’un cheval comme ça, il fait tellement tout bien qu’on ne peut pas espérer mieux.
Avez-vous encore des objectifs précis avec lui ?
S’il y a un objectif, ce serait de terminer au championnat du monde à Monpazier l’an prochain mais ce n’est pas sa piste donc à voir. Ce qui est sûr, c’est que Sabah va d’abord avoir un long repos et après on verra pas à pas. A la moindre alerte, au moindre signe qui indique qu’il n’est pas bien on l’arrêtera. Il n’a plus rien à prouver après ce qu’il a fait hier, on est super heureux de ce qu’il nous a montré. On avait cet objectif de passer le cap des 20 km/h sur 160 km avec lui, et c’est réussi. En fait j’aime tellement Sabah qu’auparavant je ne voulais pas trop l’entraîner de peur de le blesser, donc après je ne savais pas le pousser en compétition. Cette fois il a suivi un entrainement comme il devait, mais l’avant-veille du championnat je n’étais pas encore décidée à pousser, mon équipe a dû me convaincre !