La maternité est aussi une source de stress chez les juments
Comme les humains, les juments pourraient elles aussi être impactées physiquement et mentalement par la maternité. Une étude réalisée sur des chevaux sauvages a en effet mis en évidence une présence plus élevée de cortisol, une hormone liée au stress, chez les juments accompagnées de poulains. La maternité n’est toutefois pas le seul facteur à influencer ce taux de cortisol…
Onze mois de gestation avant le poulinage, suivis de plusieurs mois d’allaitement jusqu’au sevrage : la maternité est une aventure qui n’est pas de tout repos pour les juments. Sur le terrain, on observe en effet que cette période peut affecter leur caractère, mais aussi parfois leur état physique. Et il ne s’agit pas que de suppositions… Grâce au travail de scientifiques canadiens, on sait en effet que la maternité a un véritable impact sur les poulinières, et plus particulièrement sur leur niveau de stress global.
Dans une étude publiée en 2023, ces chercheurs se sont intéressés de manière générale aux concentrations de cortisol présentes dans les crins de chevaux sauvages vivant sur l’île de Sable, en Nouvelle-Ecosse (Canada). Cette hormone a été choisie car elle est généralement considérée comme un indicateur de stress par excellence. La production de cortisol permet en effet à l’organisme de mobiliser des réserves énergétiques pour faire face à un danger imminent ou un évènement important et restaurer par la suite un certain équilibre. « De grandes quantités de cortisol peuvent être trouvées chez les personnes subissant des événements physiologiques énergétiquement exigeants, tels que la grossesse, l’allaitement, les blessures ou la famine », précisent notamment les scientifiques canadiens.
Ceux-ci ont choisi d’étudier des chevaux sauvages afin d’observer au mieux les liens entre le taux de cortisol et différents facteurs biologiques et sociaux. Chez les chevaux domestiques, ces données peuvent être plus difficiles à observer car les besoins nutritionnels sont parfaitement remplis, les structures sociales sont moins dynamiques, les comportements reproducteurs sont inhibés, etc.
Différences selon l’âge et la condition
Au total, les chercheurs canadiens ont analysé 282 échantillons de crins récoltés deux années de suite (2011-2012), ce qui leur a permis pour certains chevaux d’effectuer des comparaisons.
La première observation réalisée est que le taux de cortisol était plus faible chez les jeunes adultes, principalement chez les mâles jusque 3-4 ans et les femelles de moins de 6 ans. On constate aussi que chez les deux sexes, il y a un lien fort entre le taux de cortisol et l’état physique : moins celui-ci est bon, plus l’hormone est présente. Selon les scientifiques, comme le cortisol est lié à la mobilisation de stocks d’énergie (et notamment de glucose), il n’est pas étonnant qu’un taux élevé de cortisol sur une longue période amène à une dégradation de l’état physique.
La maternité, un facteur important
Chez les juments, l’étude des chercheurs canadiens a aussi et surtout mis en évidence l’influence de la maternité sur le taux de cortisol. Celui-ci était plus élevé chez les juments avec que sans poulain, surtout chez les mères les plus jeunes. Chez les femelles de 6 ans et plus, par contre, on observait une différence faible entre le taux de cortisol des mères et des juments sans poulain. Globalement, ces résultats sont assez cohérents avec des études réalisées chez des chevaux domestiques, et qui avaient mis en évidence des taux de cortisol plus élevés chez les poulinières, avec des pics de libération de l’hormone notamment en fin de grossesse et avant le poulinage.
Outre la maternité, l’âge et le nombre de poulains semblent également avec un impact sur la production de ce qu’on appelle l’hormone du stress. Le cortisol était le plus élevé chez les juments avec un poulain dépendant, ensuite il était progressivement plus faible pour les catégories suivantes : les mères accompagnées à la fois d’un poulain et d’un yearling (produit de l’année précédente), les juments avec seulement un yearling et enfin les juments sans progénitures dépendant d’elles. Pour rappel, dans la nature, le sevrage a tendance à s’effectuer progressivement, et les poulains quittent leur mère bien plus tard qu’à l’âge de 6-7 mois comme cela se fait régulièrement à l’état domestique (voir notre article à ce sujet). Il n’est pas rare qu’à l’état sauvage les juments allaitent encore les poulains d’un an, ce qui peut expliquer pourquoi leur taux de cortisol a tendance à être élevé.
Enfin, les chercheurs n’ont pas trouvé de corrélation entre le sexe du poulain et le taux de cortisol. Il semblerait ainsi que les juments ne mobilisent pas davantage de ressources physiologiques pour élever des mâles que des femelles, et vice-versa.
Des liens avec les comportements sociaux ?
Comme les chercheurs canadiens ont prélevé des échantillons de crins chez certains chevaux deux années de suite, ils ont pu observer aussi leurs évolutions au sein des groupes durant cette période. Il en est ressorti que les individus avec un taux de cortisol plus faible avaient davantage de chances de changer de groupe, tandis qu’au contraire les individus chez qui l’hormone était plus concentrée étaient plus susceptibles de rester dans leur groupe social.
La production de cortisol peut aussi, selon l’étude, être influencée par la stabilité des relations sociales ou des hiérarchies dans le groupe. La production de l’hormone du stress est par exemple plus élevée en cas d’augmentation des combats et des agressions lors des prises de pouvoir. Elle peut aussi augmenter lorsqu’un cheval arrive dans un nouveau groupe et se retrouve confronté aux attaques d’équidés déjà établis. Chez les mâles, les positions sociales ne semblaient toutefois pas influencer le taux de cortisol, alors que la place dans le groupe a un lien avec le succès en tant que reproducteur.
De manière globale, les scientifiques retiennent que le taux de cortisol chez les chevaux sauvages varie principalement selon l’âge, la condition physique et la reproduction – mais uniquement pour les juments. En raison des conditions de vie différentes, certaines de ces données diffèrent de celles observées chez les chevaux domestiques. Une constante se retrouve cependant chez les équidés domestiques comme sauvages : le taux de cortisol plus élevé chez les juments gestantes ou accompagnées de poulains.
Retrouvez ici l’étude complète « Concentrations de cortisol capillaire chez les chevaux sauvages et influence des facteurs physiologiques et sociaux » par Sarah A. Medill, David M. Janz et Philip D. McLoughlin.