Passer son cheval pieds nus : quelques conseils pour une bonne transition

Les pieds nus sont de plus en plus fréquents chez les chevaux de sport de haut niveau comme parmi ceux de loisir. Si déferrer son cheval présente des avantages conséquents, cela peut aussi entrainer des problèmes (sensibilité du pied, sabot qui casse,…) lorsque la transition est mal gérée. Voici les quelques conseils de Bénédicte Mahieu, podologue équin, pour passer son cheval pieds nus en toute sérénité :

cheval pieds nus
© Christophe Bortels

Même si le ferrage est largement répandu depuis des centaines d’années, on peut tout aussi bien s’en passer ! On entend parfois que certains chevaux ne sont pas faits pour être pieds nus, or selon la podologue Bénédicte Mahieu « il est possible de déferrer presque 99% des chevaux, et les quelques problèmes qui surviennent lors du passage pieds nus sont généralement dus à une méconnaissance des propriétaires ou à des informations erronnées qui circulent ».

Avant de s’intéresser à la manière déferrer son cheval, il faut d’abord connaître les bonnes raisons de le faire. D’après Bénédicte Mahieu, les pieds nus présentent plusieurs avantages :

  • Ils rendent au pied toute sa sensorialité car comme une chaussure, le ferrage supprime une partie du vrai toucher du sabot sur le sol.
  • Les pieds nus permettent globalement une meilleure circulation sanguine dans le pied. « Des expériences réalisées sur des pieds morts irrigués ont démontré qu’un bon ferrage supprimait environ 10% de la circulation », explique la podologue. « L’effet est évidemment encore plus néfaste si la ferrure est mal gérée… »
  • Même si les fers sont adaptés et bien placés, le ferrage reste une intervention qui peut déforcer le pied : « Ces chaussures de métal sont malgré tout moins amortissantes qu’un sabot à l’état naturel, et elles impliquent de planter des clous dans la ligne blanche, soit le joint entre la paroi et la chair du pied », souligne Bénédicte Mahieu. Les pieds nus permettent d’éviter ces risques, mais ils sont aussi tout simplement plus « naturels » – ce que recherchent certains propriétaires.  
  • Pour les diverses raisons précitées, le déferrage contribue globalement à la bonne santé du pied, même s’il ne fait pas tout (voir notre article sur l’entretien des sabots).
cheval pieds nus
La majorité des chevaux peuvent être déferrés, à condition de bien s’y prendre et de respecter une transition douce. (© Christophe Bortels)

Une transition progressive vers les pieds nus

Un cheval ferré qui passe pieds nus est un peu similaire à un humain à qui l’on enlève ses chaussures. Il va retrouver une sensorialité différente au niveau du pied, ce qui peut être inconfortable au départ et peut éventuellement révéler des problèmes préexistants. « On pense parfois qu’un cheval boite sur les cailloux parce que ses pieds nus lui font mal – ce qui peut être le cas- , mais parfois l’inconfort est lié à d’autres problématiques comme par exemple de l’arthrose », souligne Bénédicte Mahieu. Par ailleurs, un pied en mauvaise santé peut vite se dégrader s’il est déferré et trop exposé à des sols abrasifs. Ce genre de cas de figure fait parfois renoncer les propriétaires aux pieds nus, car ils pensent que ce n’est pas adapté à leur cheval. Or, il suffit généralement d’une transition progressive pour éviter ces écueils.

Voici les principaux points d’attention et étapes à respecter :

  • Complémenter son cheval en CMV (compléments minéraux vitaminés) avant le déferrage : « Si les pieds sont carencés, l’enlèvement des fers va leur ajouter une difficulté supplémentaire », souligne Bénédicte Mahieu. « Mieux vaut donc mettre toutes les chances de son côté et renforcer les pieds avant de les déferrer. »
  • Attendre la fin de la ferrure : dans le cas où l’on souhaite d’abord déferrer deux des quatre pieds, on commencera toujours par les postérieurs. Néanmoins, il n’y a pas de contre-indication à enlever directement les quatre fers. « Il est par contre préférable d’attendre la fin de la ferrure et de laisser le pied tel quel, voire de le parer légèrement », précise Bénédicte Mahieu. « On laissera ensuite le pied se mettre en place et s’user naturellement sur un sol plat et dur comme du macadam. Après environ 4 semaines, on refait un parage spécifique qui se base sur la façon dont le cheval a utilisé son pied. Entre-temps, je demande généralement aussi aux propriétaires de bien nettoyer les sabots avec de l’eau et du savon et de traiter les fourchettes si besoin, afin de repartir sur de bonnes bases. » Il ne faut enfin pas oublier que le parage d’un pied nu est différent de celui d’un pied ferré. Alors qu’on supprime le cal du sabot pour le remplacer par le fer, il est nécessaire de maintenir ce cal sur un pied nu afin de ne pas l’affaiblir. Le maréchal ou le podologue doit donc en tenir compte et adapter son travail.
  • Travailler progressivement sur différents sols : un cheval qui vient d’être déferré aura au départ davantage de mal à marcher sur du macadam, des cailloux et autres terrains exigeants. Il est néanmoins nécessaire de l’habituer à ce type de revêtement, mais de manière progressive pour éviter les douleurs et les blessures. « On commencera par exemple par 10 minutes de marche sur le macadam et le reste de la journée au pré, puis on augmentera le temps et l’exigence du terrain », illustre Bénédicte Mahieu. « Au total, l’adaptation peut prendre quelques mois à un an selon la qualité du pied au départ. Il est en tout cas important de respecter le rythme du cheval car s’il se fait mal en marchant sur des cailloux par exemple, il pourra refuser de repasser sur ce genre de sol même quand il n’aura plus de douleurs. »
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Passer son cheval pieds nus n’empêche pas de le monter sur différents sols, à condition d’y aller progressivement (© Shutterstock)

Même si cela demande des précautions, passer son cheval pieds nus n’empêche pas de continuer à le travailler. On peut pour cela utiliser des boots, semelles, résines et autres dispositifs qui permettent d’apporter davantage de confort au pied et d’aider le cheval dans ses premiers mois pieds nus.

« Les meilleurs pieds sont souvent ceux qui bougent le plus, comme par exemple ceux des chevaux de randonnée ou d’endurance »

Selon les chevaux, une bonne transition pieds nus prend généralement 6 mois à un an. En tant que cavalier ou propriétaire, il faut donc savoir se montrer patient et surtout rester à l’écoute des signaux d’inconfort que peut manifester le cheval. Un passage de l’ostéopathe peut parfois s’avérer nécessaire, par exemple en cours de transition pour régler des déséquilibres ou compensations. Les éléments principaux pour maintenir des pieds en bonne santé (ferrés ou non) à long terme sont cependant l’alimentation et le mouvement : « Les meilleurs pieds sont souvent ceux qui bougent le plus, comme par exemple ceux des chevaux de randonnée ou d’endurance », confirme Bénédicte Mahieu. « Le fait de solliciter le pied constamment (mais pas exagérément) permet en effet une usure régulière qui maintient les structures serrées. »

Enfin, il ne faut pas oublier que des pieds nus nécessitent aussi un entretien régulier. Au début de la transition, le passage du podologue ou du maréchal peut être nécessaire toutes les semaines ou deux semaines si le pied est compliqué, ensuite un intervalle de 4 à 6 semaines suffira entre deux parages.

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !