Philippe Le Jeune Jr : « Speaker est un métier et un jeu en même temps »
Comme beaucoup de fils de cavaliers, Philippe Le Jeune Jr a choisi de faire carrière dans les sports équestres… mais en tant que commentateur ! Global Champions Tour, championnats d’Europe, Coupe du monde… Le Belge est au micro des plus grands évènements internationaux de saut d’obstacles depuis près de 20 ans. Ce métier de commentateur est pour Philippe Le Jeune Jr la synthèse parfaite entre ses passions pour les concours, les voyages et les expériences humaines. Et bien qu’il aime amuser la galerie, il est aussi particulièrement travailleur et professionnel. Rencontre :
Nous avons rencontré Philippe Le Jeune Jr dans son élément, à savoir sur un terrain de concours. Et pour une fois, le trentenaire n’était pas dans la cabine du commentateur mais en piste pour disputer l’épreuve du mètre 20 avec deux chevaux. Un moment plutôt rare, puisque cette compétition à Baudour était seulement sa deuxième de l’année en tant que cavalier après une tournée à Oliva en janvier. « Il y a cinq ans, j’ai quasiment arrêté de monter parce que mes activités de speaker ne m’en laissaient plus le temps », nous raconte Philippe Le Jeune Jr en sellant sa jument Inxs du Finiel. « On a alors décidé avec papa que les chevaux restent dans son écurie, et que je vienne monter au moins deux jours avant les concours pour me préparer et faire les choses correctement. » Même s’il monte aujourd’hui pour le loisir, Philippe Le Jeune Jr tient en effet à ne pas entacher le nom qu’il partage avec son père Philippe Le Jeune, sacré champion du monde de saut d’obstacles en 2010. « On monte en famille, il insiste pour que je ne bâcle pas les choses et m’engueule si je fais une bourde, mais c’est aussi le premier à dire quand c’est bien ! »
Lors de ce concours à Baudour, les deux Philippe Le Jeune partagent d’ailleurs le même transport et montent dans la même épreuve. Mais le plus souvent, le père est en piste tandis que son fils vit la compétition au travers de son micro de commentateur. « La blague a commencé lorsque j’étais élève à l’école d’équitation de Bilzen », explique Philippe Le Jeune Jr lorsqu’on lui demande comment il a basculé de l’autre côté de la piste. « J’ai commenté un petit concours qu’on organisait entre nous et l’un de mes professeurs m’a immédiatement dit que c’était ça que je devais faire. Étant un grand fan de François de Brigode et Baudouin Remy (qui est un ami), j’avais l’idée à l’époque de poursuivre des études de journalisme mais je ne me voyais pas du tout commentateur, pour moi c’était un métier de clown ! »
« André-Jacques Le Goupil m’a pris sous son aile et en une semaine, il m’a presque tout appris du métier. »
Finalement, Philippe Le Jeune Jr a été projeté un peu malgré lui dans cette voie. Il a commencé par animer des petits concours au centre équestre du Country pour rendre service, ensuite tout s’est vite enchaîné. Gaëtan Decroix l’a recruté pour commenter les internationaux qu’il organisait au Haras de Wisbecq à la fin des années 2000, puis Pierre Durand a fait appel à lui pour plusieurs compétitions à Jardy. Peu après ces premières expériences, Philippe Le Jeune Jr a été embauché par Rodrigo Pessoa et Christophe Ameeuw pour le CSI de Bruxelles, un évènement qui a disparu depuis lors mais qui a marqué un tournant dans la carrière du commentateur belge. « Au départ nous étions quatre speakers et j’étais uniquement prévu pour les petites épreuves », raconte-t-il. « Le hasard a fait qu’un commentateur est tombé malade et l’autre a eu un décès dans sa famille, donc je me suis retrouvé seul dans la cabine avec André-Jacques Le Goupil pour tout l’évènement. Il m’a pris sous son aile et en une semaine, il m’a presque tout appris du métier. » C’est aussi via le CSI de Bruxelles que Philippe Le Jeune a été recruté par Jan Tops, pour qui il commente le Longines Global Champions Tour depuis une quinzaine d’années.
Un métier de voyages et de passion
Philippe Le Jeune Jr – ou « Pilou » comme on le surnomme – a donc eu la chance de se retrouver au bon endroit au bon moment, mais son ascension rapide n’est pas que le fruit du hasard. Ses connaissances équestres, ses relations dans le milieu et sa très bonne maitrise des langues (français, anglais et néerlandais) l’ont en effet aidé à se faire une place en tant que commentateur. A tel point que rapidement après avoir débuté, il lui a fallu choisir entre ce métier et celui de cavalier auquel il se destinait au départ. En tant que fils de cavalier international, Philippe Le Jeune Jr a en effet grandi sur les terrains de concours, même si sa maman a toujours insisté sur les études. « J’ai commencé par les épreuves poneys mais je n’étais pas assez doué, ensuite j’ai monté en juniors et c’était plutôt correct », raconte-t-il. « Quand je suis sorti de Bilzen, je montais plusieurs chevaux par jour à la maison et je commentais des concours en parallèle, mais à un moment ce n’était plus possible de bien faire les deux donc j’ai dû choisir. »
Philippe Le Jeune Jr a finalement préféré le micro aux bottes, une façon pour lui de devenir son propre patron sans pour autant renoncer aux chevaux. Une bonne quinzaine d’années plus tard, il ne regrette pas son choix : « Je vois mon père moins souvent mais plutôt que du temps de travail, on partage des moments de qualité et en famille avec son épouse Lucia (ndlr : Vizzini) et mes petites soeurs », confie le speaker. « Je pense aussi que si j’avais été cavalier, je serais resté beaucoup plus à la maison et je n’aurais pas eu l’occasion de voyager autant. »
« J’aime parler, voyager et aller au concours donc j’ai en quelque sorte créé un monde parfait pour moi.»
Le métier de commentateur a en effet permis à Philippe Le Jeune Jr de parcourir une bonne partie de la planète, et même d’effectuer presque un tour du monde en 2018 grâce aux différentes étapes des circuits Longines Masters et Longines Global Champions Tour. Désormais, une partie de son travail s’effectue à distance (par exemple pour des plateformes comme ClipMyHorse ou pour GCTV), ce qui lui permet de monter un peu plus en concours. Mais Pilou ne compte pas pour autant troquer les voyages contre une vie plus tranquille : « Le lundi et le mardi je suis généralement en congé et j’aime rester au calme à la maison mais quand je repars, je suis à 200 % ! J’aime parler, voyager et aller au concours donc j’ai en quelque sorte créé un monde parfait pour moi. C’est aussi un mix des métiers de mes parents puisque papa est cavalier et ma maman est hôtesse de l’air ! »
Philippe Le Jeune Jr n’est pas seulement animé par son amour des concours et des voyages, mais aussi par les moments qu’il vit en bord de piste et en dehors de celle-ci. Que ce soit à Lubumbashi, sur les étapes du Longines Global Champions Tour ou encore près de chez lui à Courrière ou Lanaken, il y a toujours des amis à retrouver, des aventures humaines à partager. En tant que commentateur, il prend ainsi le même plaisir à travailler pour une grosse échéance internationale que pour de plus petits concours. « Il y a quelques semaines, j’ai commenté le relais déguisé sur 80 cm à Flémalle pour faire plaisir et me faire plaisir. C’est une notion qu’il est important de garder. Speaker est un métier et un jeu en même temps », souligne-t-il tout en précisant qu’il prend aussi ses responsabilités très à cœur. « Je me souviens que lors de ma première année au Jumping de Liège, tout le monde était un peu tendu car j’apparais souvent comme le comique de l’histoire donc on se demande parfois si je suis sérieux. Or, je suis le premier à faire marcher la locomotive pour assurer le spectacle. » Speaker en même temps dans plusieurs langues, s’occuper de la musique en parallèle des commentaires,… Le jeune homme ne recule devant rien pour que le show continue !
Toujours de nouveaux défis à relever
Philippe Le Jeune Jr confie aimer l’adrénaline que lui procurent les défis, et vibrer derrière son micro lors de certains moments forts des compétitions. « Quand Peder Fredricson s’est imposé chez lui à Stockholm en 2018 et que le public s’est mis à chanter l’hymne national suédois, j’en ai eu des frissons. Il y a d’autres moments très intenses, comme quand on voit Grégory Wathelet se diriger vers le finish à Liège et qu’on espère de tout son cœur qu’il gagne car on sait que le public va partir en délire. A cet instant, il faut juste appuyer sur le jingle et même ne plus rien dire ! »
Les championnats du monde à Tryon sur Eurosport, les championnats d’Europe de Riesenbeck pour ClipMyHorse,… Pilou a déjà commenté (à distance ou non) quelques-uns des plus grands évènements internationaux de saut d’obstacles ces dernières années, et rêve désormais de concours de tradition comme La Baule. Il attend aussi très impatiemment le retour du Jumping International de Liège (2024) qui se déroule près de chez lui et est de loin sa compétition préférée. « Pour moi Liège est le bonus de l’année : c’est un concours avec des bases qui datent d’il y a 25 ans, un concept qui n’a pas changé et un vrai public. En plus mon anniversaire tombe toujours durant le concours donc chaque année c’est très festif et on me réserve de belles surprises. Je serai donc le premier présent en 2024, et je viendrai même mettre le sable avec ma pelle s’il le faut ! »
Vous l’aurez compris : après une quinzaine d’années à commenter de nombreux concours, Philippe Le Jeune Jr est toujours aussi passionné par son métier et n’a pas fini d’en explorer les possibilités. En début d’année, le speaker a commenté plusieurs concours en Californie et il est revenu de ce voyage avec de nombreuses propositions de travail aux Etats-Unis pour l’hiver prochain. « J’ai plusieurs fois essayé de ralentir mais il y a toujours de nouveaux défis qui se présentent et viennent me motiver ! Pour l’instant, je n’envisage donc pas de faire autre chose de ma carrière… »