Le medical training, un allié pour les soins et actes vétérinaires

Déjà répandu dans les zoos, le medical training gagne petit à petit le milieu équin. Son principe : entrainer les animaux – en l’occurrence les chevaux – à recevoir des soins et actes vétérinaires afin d’améliorer leur bien-être mais aussi la sécurité des soigneurs. Pour en savoir plus sur cette technique, nous sommes allés à la rencontre de Géraldine Simon, professionnelle du comportement équin qui organise des formations en medical training.

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© Christophe Bortels

Toucher et manipuler l’œil d’un poney, soulever un sabot, ouvrir une bouche, … En ce dimanche d’octobre, un petit groupe s’exerce à des manipulations un peu inhabituelles sur les équidés de l’ASBL et refuge Equinergie à Sombreffe. Encadrées par Géraldine Simon (eQiUs), professionnelle du comportement du cheval, les participantes se forment en fait à ce qu’on appelle le « medical training » (entrainement médical) ou encore les soins participatifs.

Ce concept est encore assez peu connu dans le monde équestre, mais il est répandu depuis plusieurs décennies dans les zoos, les parcs aquatiques et plus largement auprès des animaux sauvages. En quelques mots, le medical training consiste à entrainer l’animal à produire certains comportements qui facilitent par la suite les soins et actes médicaux comme les injections, le nettoyage d’une plaie, la réalisation d’un examen, etc. Selon les besoins, l’entrainement peut par exemple consister à apprendre l’immobilité, à ouvrir la bouche ou encore à accepter de recevoir une injection ou de se laisser manipuler l’oeil. « Lors du medical training, on ne pratique en aucun cas de réelles interventions vétérinaires comme des intubations ou injections », tient à préciser Géraldine Simon. « L’entrainement comporte seulement des  « mimes » jusqu’aux limites autorisées. »

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Lors de l’entrainement, les soins et actes médicaux sont mimés mais pas réellement pratiqués. (© Christophe Bortels)

Le medical training s’est rapidement imposé chez les animaux sauvages et de grande taille, car ceux-ci sont généralement plus difficiles et/ou dangereux à manipuler que ceux domestiques. Toutefois, l’entrainement médical présente de nombreux avantages pour beaucoup d’espèces, et c’est d’ailleurs pourquoi il se développe entre autres auprès des chiens et des équidés ces dernières années.

Facteur de sécurité et de bien-être

Entrainer le cheval à recevoir des soins ou actes médicaux permet tout d’abord d’améliorer la sécurité de l’équidé, mais aussi celle du soigneur, vétérinaire ou autre professionnel qui intervient. Très souvent, les personnes qui pratiquent le soin essayent d’éviter les comportements problématiques en ayant recours à la contention physique (tord-nez, bandage des yeux, harnachement,…) ou chimique (sédation, anesthésie,…), toutefois cela n’empêche pas les accidents. La contention physique a même tendance à renforcer les comportements de défense et d’agression chez le cheval, car elle empêche son premier réflexe qui est la fuite. A l’inverse, un bon entrainement médical permet d’éviter les mauvaises réactions et les accidents pouvant causer des dommages au vétérinaire, au soigneur, au cheval ou encore au matériel.

« Grâce au medical training, le cheval n’est pas victime mais acteur du soin et peut indiquer si cela ne lui convient pas »

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L’entrainement médical vise notamment à améliorer la sécurité du cheval et du soigneur. (© Christophe Bortels)

Le medical training est aussi et surtout une approche qui privilégie le bien-être, car l’entrainement de l’animal permet de réduire son stress, et dans beaucoup de cas de supprimer le recours à la contention physique ou chimique. « Grâce au medical training, le cheval n’est pas victime mais acteur du soin et peut indiquer si cela ne lui convient pas », souligne Géraldine Simon. « On instaure en effet au préalable un dialogue, une relation qui permet de respecter l’intégrité physique, émotionnelle et psychique du cheval. L’entrainement médical sert aussi à donner au cheval une motivation, un côté agréable au soin, exactement comme on pourrait par exemple le faire avec un enfant qui n’aime pas l’école et ne veut pas rentrer en classe. » Le medical training contribue par ailleurs à améliorer plus largement la relation homme/cheval, ce qui se fait souvent ressentir dans d’autres actes et soins quotidiens comme les sorties au pré ou au paddock, le pansage, etc.

Enfin, le medical training a aussi pour avantage de rendre les soins et actes vétérinaires plus rapides et plus efficaces. Lorsque le cheval n’est pas stressé par les manipulations du soigneur ou vétérinaire, ses symptômes sont en effet plus faciles à analyser et son rétablissement est généralement meilleur.

Obtenir la participation du cheval

A priori, il est possible d’utiliser le medical training avec tous les chevaux, toutefois il est préférable de tenir compte de leur santé et leurs particularités (physiques et mentales) afin de ne pas dépasser leurs limites. « L’idéal est évidemment d’apprendre les soins participatifs avant que le cheval en ait besoin, et de faire en sorte que ça devienne un jeu », précise Géraldine Simon. Cette anticipation permettra en effet d’éviter des expériences négatives au cours desquelles le cheval risque d’associer les soins à la peur et/ou à la douleur. Par ailleurs, il est souvent un peu plus difficile (mais bien sûr pas impossible) de pratiquer un entrainement médical chez des chevaux ayant déjà vécu de mauvaises expériences de soins.

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Géraldine Simon associe toujours un geste et un code vocal pour obtenir un comportement, comme par exemple ici soulever la lèvre puis ouvrir la bouche. (© Christophe Bortels)

De manière concrète, l’entrainement médical s’effectue à l’aide de techniques pédagogiques visant à obtenir la participation des animaux durant les soins, comme le clicker training. Le nom de ce dernier fait référence au clicker, un objet sonore que l’on peut toutefois remplacer par un « clock » de la langue. « Le principe est de produire le son pile au moment où le cheval effectue le bon comportement », explique Géraldine Simon. « Il s’agit de renforcement positif, c’est-à-dire que pour augmenter le comportement désiré, on va ajouter quelque chose après. Il faut travailler avec des répétitions et la récompense alimentaire est la plus motivante pour donner envie au cheval de reproduire le comportement qui lui a fait obtenir cette récompense. »

Le clicker training élargit le répertoire comportemental du cheval, augmente sa vitesse d’apprentissage et contribue à son bien-être.

Le clicker training est notamment utilisé pour l’entrainement médical car il permet au cheval de mieux maitriser ses émotions et de mieux se concentrer. Par ailleurs, il élargit le répertoire comportemental du cheval, augmente sa vitesse d’apprentissage et contribue à son bien-être. « Le cheval a le choix de faire ou non l’exercice », précise Géraldine Simon. « Beaucoup de gens cherchent en effet à ce que le cheval fasse ce qu’on lui demande sans problème, mais il est important de se demander si on lui permet de faire des choix. J’espère que nous avons tous l’idée que notre cheval ressente du bien-être au sein de notre relation, et qu’il ait envie de nous écouter et de coopérer. »

Bref, le medical training est véritablement axé sur la participation du cheval, mais le renforcement négatif (apprentissage par retrait d’un stimulus désagréable) n’est pas complètement exclu et peut même être complémentaire, comme l’explique notamment Léa Gély dans une thèse consacrée à ce sujet. La « contention » avec un licol et une longe est par exemple souvent utile voire nécessaire pour assurer davantage de sécurité lors des soins.

Un entrainement à part entière

La durée d’apprentissage d’un comportement particulier dépend généralement du cheval, de l’entraineur et de la complexité de l’exercice. Dans tous les cas, le médical training réclame des séances régulières (idéalement plusieurs fois par semaine) et beaucoup de répétitions, ce qui constitue son principal inconvénient. « L’entrainement s’effectue sur des périodes courtes, et consiste à travailler 80% de choses agréables et 20% de choses difficiles », précise Géraldine Simon. « On commence généralement avec des jeux « qui ne piquent pas » pour que le cheval prenne confiance, gagne de l’estime de lui et comprenne qu’il peut arrêter quand ça ne lui convient pas. Durant chaque séance, le soigneur doit veiller à faire des pauses régulières et à ne pas prendre à la légère les signaux d’apaisement ou les comportements qui pourraient indiquer que le cheval vient de vivre une tension : par exemple détourner la tête, bailler, mâchouiller, gratter le sol avec un membre, lécher quelque chose, gratter sa tête contre sa jambe,… »

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Il ne faut pas hésiter à décomposer chaque mouvement pour améliorer l’apprentissage. (© Christophe Bortels)

Comme nous avons pu nous en apercevoir lors de la formation encadrée par Géraldine Simon, l’entrainement médical réclame aussi beaucoup d’attention et de précision de la part du soigneur afin que le cheval comprenne quel est le comportement souhaité. Si le « click » de récompense est en effet effectué un peu trop tôt ou trop tard, le cheval n’associera pas forcément le bon mouvement au code gestuel et/ou vocal du soigneur. Selon les soins et les chevaux, il peut aussi être judicieux de décomposer l’apprentissage : si le cheval n’accepte pas de donner son pied pour être curé ou soigné par exemple, on peut lui demander dans un premier temps de décoller le sabot du sol, puis de le soulever vraiment et enfin de le tenir en l’air de lui-même.

Bref, l’entrainement médical est un apprentissage subtil, qui demande un certain savoir-faire/être et une véritable implication de la part du soigneur ou propriétaire. Il est donc préférable de s’y initier aux côtés de personnes formées et compétentes, surtout si le soigneur ou propriétaire est étranger à l’utilisation du clicker training.

Pour en savoir plus sur le sujet, rendez-vous sur le site et la page Facebook de Géraldine Simon (eQiUs).

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !