Guêtres et bandes : des protections qui ne sont pas sans risque

Il est courant dans plusieurs disciplines d’utiliser des guêtres et bandes afin de protéger les membres des chevaux. Mais beaucoup de cavaliers ignorent que ces équipements peuvent aussi avoir des effets pervers ! Des études ont en effet démontré que les guêtres et bandes avaient tendance à augmenter significativement la température des membres durant et après l’effort, ce qui n’est pas sans danger sur la santé. Sans systématiquement bannir l’usage des guêtres, ces études invitent en tout cas à réfléchir à leur usage. Explications :

© Pixabay

Les jambes des chevaux sont fragiles, c’est pourquoi beaucoup de cavaliers utilisent des guêtres et bandes pour les protéger durant les séances de travail ou même lors de sorties au pré ou au paddock. Les guêtres n’empêchent pas les lésions internes comme les fractures par exemple, par contre elles jouent bel et bien un rôle protecteur contre les frottements et les blessures liées aux collisions avec un obstacle, un sabot, un caillou, etc. Ce que l’on sait moins, c’est que leur usage peut aussi nuire aux membres, principalement à cause de l’échauffement important provoqué par les guêtres et les bandes.

Ce phénomène a été démontré par plusieurs études, dont une réalisée par des scientifiques de l’Université d’État du Middle Tennessee. Les chercheurs ont analysé l’impact de six types de protections sur six chevaux adultes cliniquement sains. Ils ont pour cela utilisé différentes guêtres en néoprène (perforé ou non), des guêtres de cross, des bandes de polo ou encore une combinaison de sous-bande et bande élastique (type bande de travail). Ils ont placé au hasard les différentes protections sur un membre antérieur et ont laissé l’autre nu pour comparer les différences de température et d’humidité durant un test d’effort standard de 20 minutes suivi d’une récupération de 180 minutes dans des conditions ambiantes modérées (environ 22 degrés et 53% d’humidité).

Une augmentation dangereuse de la température des jambes

Au cours de ces tests, les scientifiques américains ont observé plusieurs résultats intéressants :

  • La température de la jambe nue était la plus basse (environ 27,7°) lors de la 9e minute du test à l’effort, puis elle a culminé et plafonné à 33° pendant la récupération.
  • Les membres protégés de guêtres et de bandes sont monté à 32° pendant l’exercice puis ont plafonné à environ 36° pendant la récupération, soit des températures respectivement 4,3 et 3 degrés plus élevées que pour les membres nus.
  • La bande de polo présentait une humidité significativement plus élevée que les autres protections.
  • Aucune protection n’a permis de revenir à une humidité de base après la récupération de 180 minutes.
  • Contrairement à ce qu’imaginaient les chercheurs, aucun membre (nu ou protégé) n’a retrouvé sa température de base après les 180 minutes de récupération. Des recherches supplémentaires seraient donc nécessaire pour déterminer le temps nécessaire à un refroidissement total (sans intervention extérieure), et les stratégies les plus efficaces pour réduire ce temps.
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Selon diverses études, l’usage de guêtres augmente significativement la température des membres pendant et après l’effort. (© Pixabay)

Selon les scientifiques, ces résultats confirment l’hypothèse selon laquelle les protections entravent le refroidissement des membres durant l’exercice même si celui-ci est modéré. Elles entrainent aussi une augmentation de la température des membres qui peut s’avérer dangereuse, car comme le précisent les scientifiques « la température de la peau de la jambe est corrélée à la température de la surface du tendon sous-jacent ». Or, un échauffement important et répété peut à terme endommager le tendon et favoriser les tendinopathies.

Repenser l’usage des guêtres et des bandes 

Bref, les guêtres et bandes ont l’avantage de protéger les membres des chevaux par rapport à certains impacts, mais d’un autre côté leur aspect chauffant peut générer des problèmes aux tendons. Le dilemme est donc de savoir s’il est plus dangereux de les utiliser ou de s’en passer. En dressage, leur utilisation est proscrite sur les carrés de concours, et en endurance, plusieurs chevaux concourent régulièrement sans protections aux membres.

On remarque aussi qu’en saut d’obstacles, certains cavaliers internationaux commencent à se passer de guêtres, surtout lorsque leurs chevaux sont pieds nus et ont donc moins de chance de se blesser qu’avec des fers. Par contre, les guêtres semblent indispensables dans des disciplines comme le cross, où les risques de blessures par impact sont plus élevés…

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Il est plus risqué de se passer de guêtres dans certaines disciplines, comme par exemple le cross. (© FEI)

Plutôt que de systématiquement utiliser des protections ou les éviter, il semble donc plus intelligent de fonctionner au cas par cas. On peut notamment évaluer l’intérêt des guêtres et bandes en tenant compte de la discipline, de l’intensité de l’effort et bien sûr de la locomotion du cheval, car certains équidés ont tendance à frotter leurs propres membres entre eux lorsqu’ils se déplacent.

Pour limiter l’effet chauffant des protections et les risques qui y sont liés, les cavaliers peuvent aussi respecter ces quelques précautions :

  • Laisser les guêtres ou bandes le moins de temps possible, c’est-à-dire les enlever dès que le travail est terminé.
  • Arroser les jambes à froid après la séance pour les aider à revenir à une température normale.
  • Choisir des guêtres dont la taille et la forme est adaptée aux jambes du cheval, et éviter de les serrer trop fort pour ne pas entraver la circulation.
  • Préférer des protections légères et aérées. Les marques développent de plus en plus de modèle de guêtres et même de bandes qui permettent d’évacuer la transpiration et de limiter la surchauffe.

En étant attentif à ces différents points et en évitant un usage trop systématique des guêtres, bandes et autres protections, vous devriez limiter les risques de surchauffe et par extension les dangers pour les tendons.

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !