Faire connaissance avec un nouveau cheval : les astuces de trois professionnels

Chaque cheval est différent, c’est pourquoi on peut se sentir déstabilisé lorsqu’on change de monture et qu’on rencontre un nouveau cheval. Il faut généralement du temps pour que la relation et les codes s’installent, aussi bien à pied qu’en selle. C’est le cas aussi pour les professionnels, mais souvent leur expérience et leur feeling leur permet de s’adapter bien plus rapidement à de nouvelles montures. Nous avons donc demandé à Grégory Wathelet, Pierre Dechamps et Guillaume Ducos quels étaient leurs conseils et leurs secrets lorsqu’ils doivent faire connaissance avec un nouveau cheval. Voici leurs réponses !

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© Pixabay

Guillaume Ducos, coach et cavalier international de dressage : « J’insiste beaucoup sur la détente et le pas »

« Quand je suis face à un nouveau cheval, j’aime tout d’abord récolter quelques informations sur ses origines, son passé, les éventuelles difficultés rencontrées au travail ou encore les problèmes de santé. Ce dernier point est très important car je me rends compte que beaucoup de problématiques sont liées à de l’inconfort chez les chevaux, comme par exemple les ulcères qui sont très fréquents actuellement. D’ailleurs, si après deux séances avec un nouveau cheval je suis toujours en difficulté, je vais explorer l’aspect santé avec un vétérinaire, un ostéopathe ou autre avant d’aller plus loin dans le travail. C’est important de partir sur de bonnes bases et surtout d’avoir un bon management global du cheval.

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Guillaume Ducos (© Christophe Bortels)

En général, avant de monter pour la première fois sur un cheval, je fais un peu connaissance avec lui à pied grâce à quelques exercices « d’éthologie ». Je vérifie principalement s’il est disponible et à l’écoute, par exemple en mobilisant les hanches et les épaules. J’aime aussi voir les chevaux bouger à la longe.

Une fois en selle, je fais toujours très attention à la détente. Je marche facilement 15 à 20 minutes pour apaiser le cheval et pour qu’un lien et une atmosphère favorable puissent se créer entre lui et moi. Avant de me mettre au trot, je vérifie le tempo et le contrôle : est-ce que le cheval marche à 4 temps, est-ce qu’il s’arrête et repart facilement, etc.

Ensuite je travaille bien sûr aux autres allures mais le pas reste toujours important pour gagner en décontraction et pour expliquer les exercices. Si ma monture ne comprend pas quelque chose, je n’hésite donc pas à retravailler le mouvement au pas avant de le faire au trot et/ou au galop. En tous les cas, lors de la première séance avec un nouveau cheval ou même un nouvel élève, je travaille uniquement les bases afin de revérifier les fondamentaux. Ensuite, si tout se passe bien, on peut avancer vers les difficultés plus techniques lors des séances suivantes. »

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Pierre Dechamps, spécialiste en équitation naturelle : « Faire connaissance à pied »

« Lorsque je reçois un nouveau cheval au travail, je m’intéresse bien sûr à son expérience, aux problèmes que ses propriétaires ont pu rencontrer, etc. Mais avant tout, j’observe son comportement pour essayer de déterminer quelle est sa personnalité : est-il stable, inquiet, sensible, introverti ou extraverti,… ? Tout cela est important à connaître car cela influencera par la suite le programme de travail. Pour observer le cheval, je le laisse généralement en liberté dans une piste fermée car, sans cavalier ou longe pour le contraindre, on peut mieux détecter ses vrais défauts et qualités.

Pierre Dechamps (© Cheval-in)

Après cela, je demande généralement au cheval quelques exercices en liberté comme un cercle ou un changement de direction afin de voir comment il réagit : s’il a tendance à fuir, à se coller à moi, etc. Ensuite, je teste son niveau de désensibilisation pour évaluer de quoi le cheval a éventuellement peur car je veux par exemple éviter de mettre de la pression avec un stick si le cheval est déjà effrayé par cet outil. Enfin, je vérifie aussi à pied que le cheval sait fléchir l’encolure à gauche et à droite, car c’est un contrôle dont j’aurai besoin en selle. Je lui demande également de déplacer ses postérieurs en avant, en arrière et latéralement puis souvent je refais le même exercice aux longues rênes. Cela me permet de sentir les commandes avant même de monter, et de peaufiner le travail de désensibilisation. 

Ce travail à pied peut prendre quelques séances à quelques semaines selon les chevaux, mais il est nécessaire pour déterminer ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Si un cheval est par exemple déjà très émotif au sol, cela ne s’arrangera pas quand on montera dessus. Le travail à pied permet aussi de régler plus facilement les aspects relationnels. Et puis surtout, cela aide ensuite à établir un programme de travail avec des exercices et des objectifs précis car c’est important de savoir ce qu’on veut, ce qu’on recherche quand on monte. »

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Grégory Wathelet, médaillé aux Jeux olympiques de Tokyo avec l’équipe belge de jumping : « J’aime profiter des tournées pour évaluer un nouveau cheval »

 « Lors de l’essai d’un nouveau cheval, je fonctionne toujours au cas par cas. Tout dépend en effet s’il s’agit d’un cheval destiné à l’achat, si j’ai déjà pu le croiser ou l’observer en concours ou dans des vidéos,… Lorsque c’est un cheval que j’ai déjà vu avant, je n’ai pas besoin de faire de gros sauts lors de l’essai. Je me fie surtout à mon ressenti, mon feeling. Si à l’inverse je ne connais pas du tout le cheval, je passe quelques obstacles plus gros et je me renseigne au préalable sur lui mais aussi sur la personne qui me l’amène à l’essai car je collabore seulement avec des gens avec qui je peux établir une relation de respect et de confiance. Par contre, je n’ai pas du tout le réflexe de m’intéresser aux origines, sauf bien sûr s’il s’agit d’un poulain qu’on ne sait pas encore voir sauter.

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Grégory Wathelet (© Christophe Bortels)

En selle, une première séance avec un cheval permet d’évaluer le galop, la bouche etc mais selon moi ça ne suffit pas. Je n’aurais d’ailleurs sans doute pas choisi les meilleurs chevaux que j’ai eus lors du premier essai, et cela vaut pour environ 90% des montures de haut niveau. Pour moi, la meilleure façon de faire connaissance avec un cheval et de l’évaluer est de pouvoir l’emmener dans une tournée. Je fais ça régulièrement, notamment à Vilamoura, car ça me permet de monter les chevaux et de les voir évoluer pendant 2 ou 3 semaines en contexte de compétition. Après ça je peux avoir un jugement beaucoup plus précis.

Lorsque je travaille un nouveau cheval, je recommence généralement par les bases et je vérifie les réglages. On entend souvent dire qu’un cheval est dressé ou non mais pour moi ça ne veut pas dire grand chose. Ce qui m’intéresse, c’est de vérifier si le cheval me convient, s’il correspond à mes attentes. Ensuite, en fonction des objectifs, on établit un programme de travail pour arriver à ce que je veux. Il arrive parfois qu’on parte assez rapidement en tournée après l’arrivée d’un cheval, donc dans ce cas je ne chamboule pas trop ses habitudes et je profite du retour à la maison pour retravailler ses bases. Je préfère en tout cas toujours le travail sur le long terme et je prends le temps de construire mes (nouveaux) chevaux. »

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !