Marie-Aline Helleputte, éleveuse passionnée et ambitieuse

Propriétaire du cercle équestre La Licorne à Bièvre, cavalière internationale de dressage et administratrice du Groupement Hippique du Sud, Marie-Aline Helleputte – 38 ans – est aussi une éleveuse passionnée de génétique. Elle a récemment donné une nouvelle impulsion à son élevage, notamment en lui donnant un nouvel affixe, celui « des Rives ». Rencontre.

© Christian Simonart/Cheval-in

Originaire de Bruxelles, c’est à Bièvre que Marie-Aline Helleputte a construit sa carrière dans le milieu équestre. C’est en effet là-bas, aux confins des provinces de Namur et de Luxembourg, le long de la Nationale reliant Bièvre à Bouillon, qu’elle a installé ses quartiers voici dix-sept ans. « J’avais terminé mes études d’architecte d’intérieur. Cela me plaisait, mais je ne me voyais pas travailler là-dedans », se souvient Marie-Aline, alors cavalière au Manège de la Cambre, qui projetait plutôt d’acheter une installation équestre et « de préférence en dehors de Bruxelles pour être plus proche de la nature et s’éloigner du stress de la capitale ».

Durant un an et demi, la candidate acquéreuse a multiplié les visites décevantes jusqu’à ce jour d’avril 2004 et ce long périple vers Bièvre. Là-bas, elle a découvert des installations à l’abandon. Et la magie a pourtant opéré ! « J’ai eu le coup de foudre pour les installations mais aussi pour leur potentiel et cette belle région. Il y avait vingt boxes, un manège couvert de 20×40 mètres, une piste extérieure, un peu de prairie et une habitation. Le tout sur 3 hectares. Je ne connaissais pas du tout la région mais son côté nature me convenait parfaitement. J’ai ensuite été séduite par la gentillesse des gens. »

Marie-Aline, alors âgée de 21 ans, a officiellement débuté son activité en août de la même année. Les aménagements et transformations, étalés sur quinze ans, ont ensuite animé l’existence de La Licorne jusqu’il y a peu. « En 2007, nous avons rasé tous les boxes. Tous les chevaux se retrouvaient en prairie et nous avons reconstruit vingt-huit boxes sur un mois et demi », raconte la Bièvroise d’adoption. « En 2008, nous avons construit une deuxième écurie de huit boxes. Et l’année suivante, quatre boxes pour les poulinières. »

Pour terminer, c’est en 2018 que La Licorne a enregistré ses derniers travaux. Mais plus qu’un nouvel aménagement, c’est une véritable transformation que le cercle équestre a enregistré avec la construction d’une grande piste couverte de 30×66 mètres, d’une cafétéria et d’une nouvelle piste extérieure de 43×80 mètres. « Depuis, c’est autre chose », sourit Marie-Aline, séduite et heureuse du résultat. « Grâce à ces aménagements, nous pouvons désormais tourner toute l’année. Avant, d’octobre à mars, nous ne faisions pas grand chose avec une 20×40. A présent, nous pouvons étaler les événements sur toute l’année. C’est du 5 étoiles ! C’est beaucoup plus confortable… Avoir commencé petit et avoir ensuite adapté les installations en fonction des besoins était assurément une bonne chose. J’ai eu le temps d’analyser et d’apporter les aménagements là où c’était nécessaire. Cela a permis d’éviter les erreurs et les regrets. »

Un investissement dans le sport

Bien que concentrée sur le développement de ses installations, Marie-Aline Helleputte n’a pas hésité à s’investir au sein du Groupement Hippique du Sud ces dernières années. En organisant des compétitions de dressage et de saut d’obstacles, mais aussi en intégrant les rangs du groupement comme administratrice et responsable de la commission de dressage. « Je trouvais cela important pour l’ouverture d’esprit. J’avais aussi envie de contribuer à faire vivre le dressage en province de Luxembourg. Il y a une superbe ambiance et une grande solidarité au sein de la discipline. Nous n’avons pas beaucoup de cavaliers mais nous n’avons pas à rougir de la qualité. Le GHS a d’ailleurs remporté l’inter-groupements voici deux ans à Ham-sur-Heure. L’état d’esprit dans l’équipe était incroyable. »

Marie-Aline Helleputte et Zadarijke, la jument qui lui a permis de faire ses débuts sur la scène internationale. (© Christian Simonart/Cheval-in)

Marie-Aline n’était pas montée en selle pour l’occasion mais elle a régulièrement porté bien haut les couleurs du GHS sur les pistes communautaires, nationales et même internationales jusqu’en 2019. « Je suis une cavalière tardive, mais je n’ai jamais arrêté de monter depuis mes 16 ans », raconte-t-elle. « Au départ, je recherchais juste le plaisir et je n’avais aucun objectif de compétition. » Ce n’est d’ailleurs qu’une fois arrivée à Bièvre que la cavalière s’est lancée avec Alanka du Bois d’Ansy (2000, Idolatre x Grosso-Z). « C’était une jument de jumping mais nous avons rapidement bifurqué vers le dressage. » Après des débuts en régional et un passage au niveau communautaire avec Alanka, Marie-Aline a fait l’acquisition de l’alezan Flintstone (2010) aux Pays-Bas et a remporté les 5 et 6 ans avec lui en C2. « Il a ensuite été arrêté mais j’espère pouvoir le relancer prochainement. C’est un guerrier en piste. »

En 2017, c’est au tour de Zadarijke (2004, Prestige x Kelvin), elle aussi KWPN, de rejoindre les installations de La Licorne. « Elle était déjà confirmée sur l’Intermédiaire I aux Pays-Bas et elle m’a permis d’énormément évoluer dans mon équitation. Un vrai cheval professeur, avec un caractère en or. C’est grâce à elle que j’ai pu obtenir ma sélection nationale et accéder aux concours internationaux. » A Deauville en juillet 2018, à Saumur en septembre de la même année et enfin au Mans en février 2019. « J’ai encore des paillettes dans les yeux », souligne Marie-Aline. « La blessure de Zadarijke en août 2019 a été un gros coup dur. Depuis, je me suis reconcentrée sur mes infrastructures. Mais là, c’est bon, je suis reboostée. Je prépare trois chevaux de mon élevage pour la compétition, un hongre de 6 ans et deux juments de 4 ans. »

Le plus âgé, Jali de la Licorne (Bailamos Biolley x Negro), est assez tardif mais a pris un coup de maturité d’après son éleveuse et cavalière. « Je n’aurais pas parié sur lui au départ mais je trouve qu’il se dévoile de mieux en mieux chaque jour. Je lui laisse le temps d’évoluer. Il a du potentiel et débutera la compétition cette année. » Derrière, on retrouve sa propre soeur, Lady Galliani (2017), « ma petite perle », comme aime l’appeler Marie-Aline Helleputte. « Elle n’est pas très grande, doit encore un peu mûrir, mais elle se déplace comme un chat ! Elle trotte super bien. Elle sortira en concours en 2022, tout comme Louane de la Licorne. »

Cette dernière est également une fille de l’étalon Bailamos Biolley. Sa mère est Eden de la Licorne, une fille du Hanovrien Longchamp (Lauries Crusador) qui a notamment tourné en international sous la selle d’Amandine Prévost. « Louane est très bien dans sa tête. Je suis curieuse de voir comment elle va évoluer. »

Une histoire débutée en 2007

C’est en 2007 que sont nés les premiers poulains de Marie-Aline sous l’affixe de la Licorne : Back-Gammon et Bohême. Deux poulains aux origines d’obstacle. Le premier est un fils de la SBS Quadrille du Bagnon (Krack C x Caprice de Sainte-Hermelle), alors que la deuxième est une fille du SBS Arpad des Six Censes (Major de la Cour x Dynamique). « J’ai commencé l’élevage juste pour le plaisir. Notamment celui d’avoir des poulains avec mes anciennes juments de sport. Je me suis améliorée au fur et à mesure, années après années. »

A cet égard, l’année 2016 a constitué un tournant, pour ne pas dire un nouveau départ. « Il y a eu une grosse remise en question, dans un but d’amélioration », confirme-t-elle. « J’ai acheté 30 hectares de prairie de l’autre côté du village, sur lesquels il y avait un bail agricole qui se terminait en mars 2021. J’ai beaucoup réfléchi à mon élevage et à la direction que je voulais lui donner. J’ai ainsi décidé de m’orienter exclusivement vers le dressage, qui reste ma discipline de prédilection. L’idée est en effet de pouvoir réaliser la promotion de mes produits et donc de les sortir moi-même en compétition. »

© Christian Simonart/Cheval-in

Et pour marquer le coup, Marie-Aline Helleputte n’a pas hésité à changer l’affixe de son élevage. Les produits « de la Licorne » ont ainsi cédé la place à ceux « des Rives », du nom du lieu-dit des nouvelles pâtures de l’élevage. « Commercialement parlant, cela me semblait opportun de changer d’affixe. Je veux un élevage professionnel et un nom qui va de pair. » Les poulains de l’élevage continuent par contre de se voir attribuer des noms d’artistes. Une question de continuité dans le changement…

Nés en 2020, les deux premiers produits « des Rives » se nomment Orianthi, comme la guitariste australienne, et O-Zone, comme le groupe moldave qui a rencontré un succès mondial en 2003 avec la chanson Dragostea din tei. La première est une fille de Follow Me (Fürstenball x Donnerschwee), le second un fils de For Romance II (Furst Romancier x Sir Donnerhall) qui plaît particulièrement à son éleveuse. « Il se déplace incroyablement bien », souligne-t-elle. « Il n’a qu’1 an mais il a déjà une très belle morphologie. Je ne pense pas le garder étalon, sauf si je vois qu’il est extraordinaire à 3 ans. Mais alors je le confierai à quelqu’un d’autre car je ne me vois pas me lancer dans le métier d’étalonnier », sourit Marie-Aline.

Cette année, ce sont quatre poulains qui sont venus garnir les rangs de l’élevage des Rives : Pink Floyd (Bretton Woods), un fils de I’m Dona Diva de la Licorne (Don Frederic) ; Prodigy (Galliani Biolley), un fils d’Alanka du Bois d’Ansy (Idolatre) ; Pixies (Trafalgar), une fille de Walesca di Luca (Negro) ; et Pix’L (Chacco Chacco), une fille de la dernière poulinière pur obstacle de l’élevage, Faira van den Overweg (Exquis Bentley T&L).

« J’ai aujourd’hui quinze ans d’expérience et une cinquantaine de poulains à mon actif. J’ai à présent trouvé ma voie dans cette version 2.0 de mon élevage. L’idée est de produire des chevaux de dressage pour avoir des chevaux à monter et pouvoir les valoriser en compétition. Je suis dans la recherche de qualité. Je veux mettre toutes les chances de mon côté pour ensuite avoir de la qualité sous ma selle. » Et pour cela, Marie-Aline Helleputte est particulièrement attentive à la génétique, à la morphologie et au caractère des étalons qu’elle choisit pour ses juments. « Quand je vois tous ces superbes étalons qui se trouvent sur le marché, je regrette de ne pas avoir plus de poulinières », rigole-t-elle. « J’ai beaucoup utilisé Galliani Biolley, mais je regarde aussi beaucoup les étalons allemands et néerlandais. Je ne suis pas du tout fermée. Et je marche au coup de coeur. »

Cinq naissances en 2022

Pour 2022, l’éleveuse de Bièvre attend cinq nouvelles naissances. Elle a longtemps espéré que la troisième tentative serait la bonne pour Zadarijke, sa dernière jument de compétition, mais hélas sans succès. Elle a par contre eu plus de chance avec Elista Biolley, la propre soeur de Galliani Biolley (Sir Donnerhall), qui est pleine pour la première fois. « J’aime son modèle et ses origines. Nous allons voir ce qu’elle transmet à ses poulains », raconte Marie-Aline qui a choisi Imposantos (Wynton) pour cette première union. « J’aime ce style d’étalon, sa morphologie, ses allures, son bon caractère. Il dégage vraiment quelque chose de fort. »

Véritable pilier de l’élevage de la Licorne et maintenant de l’élevage des Rives, Walesca di Luca est également pleine et attend cette fois un poulain de Ferguson (Floriscount). « Walesca, c’est ma machine à bébé », déclare affectueusement l’éleveuse. « Elle me donne toujours des mini-papas. Avec elle, je ne me tracasse plus pour le prix de la saillie. Comme elle produit des super poulains, je me lâche ! Et Ferguson est aussi un coup de coeur. »

Orianthi (à gauche) et O-Zone (à droite) sont les deux premiers poulains de l’élevage à porter l’affixe « des Rives ». (© Christian Simonart/Cheval-in)

Aujourd’hui âgée de 3 ans, Mona Lisa de la Licorne (Galliani Biolley), une fille d’Eden de la Licorne, donnera quant à elle naissance à son premier poulain en 2022. « Nous attendrons aussi le deuxième poulain d’Alanka, ma première jument de concours, avec beaucoup d’excitation. Elle est pleine de Chacco-White (Chacoon Blue) et elle nous donnera un poulain de coeur pour mon fils qui commence à tourner en saut d’obstacles. »

A terme, Marie-Aline Helleputte compte encore augmenter la taille de sa jumenterie, « probablement avec mes propres produits ». Pixies, la fille de Walesca di Luca née en 2021, pourrait bien rejoindre les poulinières actuelles. « En tout cas je la garde ! Elle a quelque chose… et notamment de toutes bonnes origines. » De quoi assurer un avenir doré pour l’élevage des Rives.

Christian Simonart

Co-fondateur de Cheval-in, Christian est depuis toujours passionné par le cheval et son univers. Cavalier amateur depuis sa plus tendre enfance, fan de découvertes chevalines en tout genre et grand partisan de l'utilisation (respectueuse) du cheval dans nos villes comme dans nos campagnes, il est journaliste équestre depuis près de vingt ans.