François Mathy : « Je ne m’attendais pas à revenir avec deux médailles olympiques »

Réputé internationalement dans le commerce de chevaux de jumping, François Mathy est aussi le dernier Belge médaillé en équitation aux Jeux olympiques. Ses exploits remontent à 1976 à Montréal, où il a décroché le bronze en individuel comme par équipe. Ce passionné et fin observateur des sports équestres revient sur son aventure olympique et nous livre son avis sur Tokyo 2020.

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François Mathy (© Christophe Bortels)

Malgré ses nombreux cavaliers et chevaux de très haut niveau, la Belgique possède un palmarès équestre plutôt maigre aux Jeux olympiques. Michèle George a décroché quatre médailles paralympiques (dont trois d’or) à l’issue de ses participations en 2012 et 2016 à Londres et Rio, mais aucun Belge n’a plus atteint un podium dans les épreuves équestres classiques depuis les Jeux de Montréal en 1976. A l’époque, elle avait décroché non pas une mais deux médailles de bronze en individuel et en équipe grâce à ses cavaliers de jumping.

Le groupe à l’origine de ces performances était composé de noms qui ont marqué l’histoires des sports équestres belges : Edgard Henri Cuepper, Eric Wauters à qui l’on doit notamment le Jumping de Malines, ainsi que Stanny Van Paesschen et François Mathy qui sont encore actifs dans le monde du jumping tout comme leurs fils Constant et François.

A l’époque, la Belgique avait terminé à la troisième place par équipe derrière la France et l’Allemagne de l’Ouest. Cette dernière s’était par ailleurs imposée en individuel lors de ces Jeux de Montréal grâce à Alwin Schockemöhle. A ses côtés sur le podium, on retrouvait le Canadien Michel Vaillancourt, mais aussi le Belge François Mathy qui est donc reparti du Canada avec deux médailles de bronze. A l’époque, il ne s’imaginait pas que sa performance allait rester inégalée si longtemps…

François Mathy, commençons par évoquer votre performance en équipe à Montréal. Selon vous, qu’est-ce qui a permis à votre quatuor de décrocher le bronze ?

On se connaissait bien tous les quatre et nous étions souvent ensemble. Mais surtout, on avait envie de bien faire et on s’est battu pour que ça marche. On s’était réunis plusieurs fois avant les Jeux, on avait fait des stages ensemble et nous étions même allés à Fontainebleau pour s’entraîner. A Montréal, l’ambiance était bonne aussi et cela a contribué à notre réussite.

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Extrait du magazine « Paard & Pony » de septembre 1976

Vous avez notamment décroché ces deux médailles grâce à votre cheval, Gai Luron. Pouvez-vous nous en dire plus à son sujet ?

C’était un cheval que j’avais acheté jeune chez un éleveur belge des environs de Tongres. Il avait déjà l’air de sauter très bien à cette époque. Félix-Marie Brasseur l’a monté à ses débuts et l’a démarré dans les épreuves pour jeunes chevaux, car il travaillait pour moi comme cavalier avant de devenir le meneur qu’on connaît. J’ai ensuite repris Gai Luron sous ma selle mais il n’avait toutefois que 8 ans lorsque nous avons pris le départ à Montréal. Il avait déjà fait quelques bonnes épreuves mais pas de très grand niveau comme les Jeux olympiques. Il avait une bonne qualité, on savait qu’il sautait bien mais c’était un peu tôt, un peu osé de l’amener aux Jeux à cette époque.

Les médailles étaient donc une surprise ?

En effet, je croyais que j’avais des chances de faire un bon classement mais en partant pour Montréal, je ne m’attendais pas à revenir avec deux médailles olympiques. Gai Luron était né avec du sang, était un peu compliqué mais il avait malgré tout une bonne volonté et se montrait très respectueux. Il a su sauter les obstacles à Montréal plus facilement que j’aurais cru et le résultat était là ! Les épreuves se sont également bien enchaînées, car on sait qu’en jumping il faut malgré tout un peu de chance, un peu de réussite.

C’est finalement un des seuls sports dans lesquels on peut gagner un jour puis être très loin dans le classement lors de l’épreuve suivante. Ce n’est pas comme l’athlétisme où celui qui court le 100 mètres en moins de 10 secondes signera toujours à peu près les mêmes performances.

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© Christophe Bortels

Selon vous, est-ce que cela explique pourquoi aucun Belge n’a plus été médaillé aux Jeux olympiques en équitation après vous ? Et ce alors que le pays compte beaucoup de bons cavaliers et chevaux ?

On a plusieurs fois été très près d’une médaille, avec des quatrièmes places. Le problème, c’est que les Jeux olympiques ont seulement lieu tous les 4 ans et en jumping, il faut être là, avoir la chance d’être bien classé. Depuis mon époque, beaucoup d’autres grandes compétitions se sont aussi ajoutées au programme comme la Coupe du monde, le Longines Global Champions Tour,… Si on veut vraiment se concentrer sur les Jeux olympiques, on doit un peu éliminer ces concours importants et bien dotés. Or les cavaliers ont plutôt tendance à essayer de faire les deux en participant à ces épreuves et en allant quand même aux Jeux.
A mon époque, on montait encore des Coupes des nations où il n’y avait pas d’argent mais la compétition était malgré tout élevée car on avait le plaisir, l’envie de gagner. Maintenant, l’argent a pris une grande place en équitation et dans tous les sports. Je crois qu’à cause de tout cela, les cavaliers n’ont plus la même envie des Jeux qu’à mon époque.

Que pensez-vous du nouveau format olympique cette année, avec notamment des équipes de 3 cavaliers ?

Je ne suis pas favorable. Ils ont fait ce choix pour qu’il y ait plus de nations en compétition mais malheureusement, les pays qui arrivent n’ont pas forcément le niveau. Donc à la place d’y avoir plus de bons cavaliers, il y en aura plus de mauvais. Selon moi, c’est une démarche politique de la part de la FEI, qui veut faire plaisir à des nations qui n’ont rien à faire aux Jeux. Hélas, le minimum olympique pour l’équitation n’a pas beaucoup de valeur. C’est assez facile de remplir les critères et ça ne représente pas vraiment le haut niveau.

C’est également dommage que seuls 3 cavaliers pourront faire partie des équipes, car certains pays comme la Belgique, l’Allemagne, la France,… ont beaucoup d’athlètes de très bon niveau qui ne pourront pas monter à Tokyo à cause de ça.

A Tokyo, la compétition individuelle se déroulera avant celle par équipe. Quel est votre avis sur ce changement ?

A Montréal en 1976, c’était déjà comme ça. L’épreuve individuelle avait lieu à Bromont, tandis que celle par équipe se déroulait dans le grand stade olympique à Montréal. C’était la dernière compétition avant la cérémonie de clôture donc le stade était plein et l’ambiance extraordinaire.

Quels sont vos favoris, vos pronostics ?

Mon favori est Ben Maher, qui a un excellent cheval (ndlr : Explosion W) avec qui il a de grandes chances de faire de bons résultats si tout se passe bien. Il y a aussi Martin Fuchs, sans oublier les Suédois ou encore les Allemands qui en général ne se laissent pas faire. Je crois de toute façon que les médaillés seront des cavaliers que l’on connaît et que l’on retrouve régulièrement durant les remises de prix. C’est finalement comme un autre Grand prix au niveau du déroulement des épreuves.

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !