Les bases du travail aux longues rênes (partie 1)
Peu connu et peu pratiqué, le travail aux longues rênes offre pourtant de nombreux bénéfices. Il permet notamment d’améliorer le contact en bouche et la symétrie du cheval, tout en apportant de la variété au cavalier comme au cheval. Envie de vous lancer ? Dans cette première partie, le moniteur d’équitation comportementale et de dressage Alexandre Declercq nous détaille l’intérêt du travail aux longues rênes, le choix du matériel ainsi que les bases à inculquer à son cheval.
Le travail aux longues rênes est un savoir-faire peu utilisé et surtout peu enseigné aux cavaliers. Il est par contre davantage répandu parmi les meneurs et fait souvent partie intégrante des spectacles présentés par des écoles équestres comme celles de Vienne, Saumur, etc. Ces dernières utilisent notamment les longues rênes pour former les chevaux aux airs de haute école et aux sauts académiques, mais cette technique n’est pas pour autant réservée à une élite !
Le travail aux longues rênes peut en effet apporter des bénéfices à chaque cheval et cavalier, peu importe leur âge et leur niveau. « Il permet de se focaliser sur le contact en bouche sans les autres éléments du travail monté comme les jambes, l’assiette, etc », explique Alexandre Declercq, moniteur d’équitation comportementale et de dressage qui utilise le travail aux longues rênes pour former chevaux et cavaliers. « On peut effectuer avec les longues rênes à peu près tout les mouvements et exercices qu’on fait à cheval : changer de direction ou d’allure, faire des déplacements latéraux ou des airs relevés, sauter, etc. »
Les longues rênes sont donc compatibles avec presque toutes les pratiques et disciplines équestres. Selon Alexandre Declercq, il existe de nombreuses raisons de les utiliser :
- pour apprendre aux jeunes chevaux le contact de la main et la direction. Le travail aux longues rênes peut même être introduit avant le débourrage monté, ce qui facilite ensuite la mise en place des aides sous la selle.
- pour améliorer le contrôle et le contact avec un cheval qui fuit la main ou au contraire est dur en bouche. Le cavalier va par ailleurs pouvoir se concentrer principalement sur ses mains et améliorer sa technique.
- pour régler certaines défenses tout en garantissant davantage de sécurité pour le cavalier. « En selle, lorsqu’un cheval se cabre, on aura tendance à relâcher les rênes pour ne pas tomber », explique Alexandre Declercq. « Le problème est que le cheval va alors associer la cabrade à une solution pour échapper à la tension/pression. En travaillant aux longues rênes, on peut maintenir cette pression ou tension et la relâcher seulement quand le cheval donne la réponse souhaitée par le cavalier, tout cela sans se mettre en danger comme en selle. »
- pour améliorer la symétrie et la locomotion du cheval, car à pied le cavalier aura un œil extérieur sur sa monture et pourra mieux analyser ses déplacements. Le cheval pourra aussi se déplacer plus librement sans le poids du cavalier. De par sa position et son comportement, ce dernier peut en effet influencer l’équilibre du cheval et accentuer les problèmes de rectitude si lui-même est dissymétrique.
- pour varier le travail ou encore pour offrir une alternative aux cavaliers qui ne peuvent ou ne veulent pas monter.
Quel matériel ?
Pour vous initier aux longues rênes en toute sécurité, il est nécessaire de disposer d’un peu de matériel. Certains équipements sont sans doute déjà présents dans votre sellerie, mais d’autres nécessiteront peut-être un peu d’investissement. Voici les quelques indispensables :
- les longues rênes : Alexandre Declercq préconise d’utiliser plutôt des rênes de grande longueur (2 x 7 mètres) afin de pouvoir se placer à distance du cheval. « Je conseille aussi de prendre des rênes détachables l’une de l’autre et non pas continues, afin de ne pas se prendre les pieds dedans si on les laisse pendre à terre pendant le travail. » Le modèle (rond, plat ou les deux), quant à lui, dépend des préférences de chacun, mais l’on sera attentif à ce que les rênes coulissent bien dans les anneaux du surfaix. La matière pourra aussi influencer le feeling et devenir plus difficile à manipuler si elle se gorge d’eau par exemple. « Il faut également savoir que des rênes trop souples rendent généralement le contact avec la bouche un peu plus compliqué », ajoute Alexandre Declercq.
- le surfaix : comme on le verra par après, ses anneaux sont utiles pour guider les longues rênes et varier leur positionnement. Un surfaix de longe classique peut suffire, mais Alexandre Declercq recommande de miser sur un modèle de qualité : « Il vaut mieux avoir un surfaix solide, surtout si le cheval a tendance à avoir des réactions d’opposition. On préférera aussi un modèle dégagé au niveau du garrot, et la présence de nombreux anneaux est utile pour adapter le placement des longues rênes à l’attitude naturelle du cheval et à celle souhaitée par le cavalier. »
- le stick : une cravache de dressage peut suffire pour le travail effectué à proximité du cheval, mais lorsqu’on éloigne celui-ci il est préférable d’utiliser une chambrière. Le carrot stick peut également faire l’affaire.
- les gants : ils sont vivement recommandés pour le cavalier, afin d’éviter les brûlures aux mains mais aussi pour pouvoir maintenir les rênes plus facilement si le cheval tire ou résiste.
- le bridon (ou sidepull) : Alexandre Declercq insiste sur l’importance d’avoir un bridon et un mors adaptés au cheval car « avant de travailler l’amélioration du contact en bouche, il faut s’assurer que l’équipement ne soit pas une source de problème. Je tiens aussi à ce que les chevaux soient en ordre de dentiste et d’ostéopathe, afin d’être sûr que certaines défenses sont d’origines « mentales » et non physiques. »
Préparer son cheval aux longues rênes
Même si l’on peut entamer le travail aux longues rênes avec un jeune cheval, il est nécessaire que celui-ci maitrise déjà certains codes et exercices. Cela permettra au cavalier d’être plus en sécurité, et au cheval de mieux comprendre ce qu’on lui demande avec les longues rênes.
La désensibilisation
Lors du travail, le cavalier va être amené à se déplacer autour du cheval et à faire bouger les rênes sur lui. Il est donc important que le cheval ne prenne pas peur de ces mouvements. « Pour cela, on va travailler à pied sur la désensibilisation », précise Alexandre Declercq. « On doit obtenir que le cheval reste calme et immobile tant qu’on ne lui donne aucun signal, et ce peu importe où on se positionne par rapport à lui. Ensuite, on lui apprend à marcher en main sans tirer ou ralentir, en se plaçant également dans différentes zones : un peu en avant ou en arrière, à hauteur de l’épaule, etc. »
On veillera aussi à désensibiliser le cheval au contact des longues rênes, en lui inculquant de rester calme lorsque celles-ci viennent au contact de son corps (en mouvement ou non). Il est également important que le cheval soit stable et autonome dans ses allures, et que le cavalier puisse mobiliser les épaules et les hanches à pied. Cette préparation peut déjà prendre quelques séances, et s’effectue de préférence avec un licol en corde pour avoir du contrôle sur le cheval tout en préservant sa bouche.
La cession de la nuque
On utilisera aussi le licol en corde pour apprendre au cheval à céder à la pression sur la nuque, ce qui sera indispensable pour travailler le contact avec le mors. « Beaucoup de chevaux verrouillent leur nuque et c’est de là que viennent la plupart des problèmes et défenses », souligne Alexandre Declercq. « Lorsque je mets le bridon au cheval, je lui demande déjà de baisser la tête à l’aide d’une petite pression au niveau de la nuque. Cela me permet de le brider plus facilement, mais aussi de vérifier qu’il accepte de céder. »
On demandera ensuite au cheval cette cession via la rêne. Alexandre Declercq commence par placer une seule longue rêne directement attachée au mors, et ferme les doigts progressivement pour inviter le cheval à descendre la tête et à céder à la pression exercée sur sa nuque par le bridon. « Tout en veillant à ce qu’il garde cette attitude, je le mets ensuite au pas sur un petit cercle autour de moi en gardant ma main basse et fixe et en lui demandant de croiser les postérieurs avec mon stick. »
« Attention : la main ne doit pas tirer pour mettre la tête en bas, elle doit simplement résister légèrement pour maintenir la position voulue. Le cavalier va par ailleurs chercher à ce que le cheval reste posé sur la main en obtenant l’engagement et l’amplitude des postérieurs. Lors de ce mouvement, on peut déjà vérifier aussi si les épaules du cheval ont tendance à partir d’un côté ou d’un autre, et l’on peut le corriger si besoin. »
Le suivi du contact
Une fois ce contact établi et stable, on peut envoyer le cheval sur un plus grand cercle, toujours avec une seule rêne attachée au mors comme une longe. Le cavalier veillera à rester sur place et à déterminer lui-même la taille du cercle, tout en faisant en sorte que le cheval reste tendu sur la rêne et régulier dans l’allure. S’il tire, le cavalier résistera avec sa main tandis que si le cheval détend la rêne, le cavalier lui demandera de s’écarter en le repoussant avec la chambrière au niveau de l’épaule et en lui indiquant la direction avec la main qui tient la rêne. « Une fois le cheval stable dans l’allure et le contact, on pourra l’envoyer en avant en écartant un peu la main qui tient la rêne et en s’aidant de la chambrière si besoin. Ensuite, quand on veut ralentir, il suffit de relâcher un peu son corps, tout en gardant le contact », explique Alexandre Declercq.
En résumé, les étapes clés de la préparation du travail aux longues rênes sont la désensibilisation, l’éducation aux aides et la connexion entre la bouche du cheval et la main du cavalier. Une fois ces ingrédients mis en place, votre cheval est prêt à entamer le travail aux longues rênes !
Dans le prochain article, nous détaillerons les différentes façons de placer et tenir les longues rênes, et Alexandre Declercq expliquera également comment guider son cheval lors des premières séances.