Gilliane Senn, une artiste à la découverte du mustang

L’artiste équestre Gilliane Senn participe cette année à « Mustang Makeover Germany », un programme de protection des mustangs. Elle héberge actuellement l’un de ces chevaux sauvages dans ses écuries et dispose de quatre mois pour le préparer à démarrer une nouvelle vie dans une autre famille. Un véritable challenge, mais aussi une aventure équestre formidable qui sert une bonne cause !

Gilliane Senn
© Zoé Humbert

Originaire de Suisse et installée en France, Gilliane Senn est à la fois artiste et dresseuse de chevaux. Elle partage habituellement son temps entre les stages et représentations qu’elle donne, mais le Covid-19 a fortement bouleversé ses activités professionnelles ces derniers mois.

Comme elle manquait de perspectives et d’objectifs, Gilliane Senn a profité du temps libre dont elle disposait cette année pour se lancer dans l’aventure « Mustang Makeover Germany ». Initié en 2017 en Allemagne par l’association American Mustang Germany, ce projet vise à préserver des chevaux mustangs sauvages, dont la survie est menacée (voir encadré en bas de page). Chaque année, environ une quinzaine de mustangs sauvages sont amenés en Europe et confiés à des dresseurs expérimentés de diverses nationalités. Ceux-ci ont quatre mois pour faire connaissance avec eux, les mettre en confiance et leur apprendre les bases du travail à pied et en selle. A l’issue de cette période, fin août, tous les mustangs et entraîneurs se retrouvent dans les installations du célèbre stade d’Aix-la-Chapelle pour deux journées de fête et de compétitions.

Durant ce week-end, les dresseurs doivent présenter le fruit de leur travail sur trois épreuves : un parcours de mountain trail (à réaliser à pied ou à cheval), une représentation de dressage et une autre en liberté. Des animations viennent se greffer au programme, ainsi qu’une vente aux enchères publiques lors de laquelle les chevaux ayant participé au Mustang Makeover trouvent leur nouvelle famille. La vente des chevaux comme leur placement provisoire chez les entraîneurs sont bien sûr strictement encadrés par l’association organisatrice afin d’assurer leur bien-être.

Gilliane Senn a découvert cette aventure via Ludovic Fournet, un Français qui y participe depuis plusieurs éditions, et elle a profité de cette année un peu spéciale pour franchir le pas elle aussi. « Je trouve le concept super », confie l’artiste. « J’étais séduite par l’idée d’en apprendre encore plus sur les chevaux et d’enrichir ma pratique, car on a rarement l’occasion de côtoyer des équidés sauvages. J’ai découvert que ce sont des chevaux très calmes, car ils apprennent à s’économiser dans la nature. Ils prennent beaucoup sur eux, sont souvent le pied au repos mais toujours prêts à bondir ! »

Gagner sa confiance

Le mustang confié à Gilliane Senn l’a rejointe début mai. Il est pie, âgé de 4 ans et répond à l’appellation générique de « Tag 6265 ». Comme le prévoit le règlement, l’artiste n’a pas pu donner un nom officiel à son cheval tant qu’il n’est pas sponsorisé, ce qui ne l’empêche bien sûr pas de nommer son protégé en privé. « C’était mon premier choix parmi les descriptions sommaires qu’on a reçues, mais je ne m’étais pas du tout arrêtée sur sa photo », avoue-t-elle. « Je suis néanmoins ravie ! »

Depuis l’arrivée de son mustang, Gilliane Senn lui consacre énormément de temps, « à tel point que mes propres chevaux sont plutôt en congé », souligne-t-elle en riant. Comme les autres chevaux de l’aventure, Tag 6265 a très peu vécu en captivité et n’a presque pas eu de contacts avec l’homme. Il faut donc gagner sa confiance… « Durant les deux premières semaines, il était dans un enclos et avait perdu son licol. C’était très difficile de lui remettre car il acceptait que je le touche à l’épaule, mais pas à la tête », raconte Gilliane Senn. « Il était par exemple très inquiet lors des demandes croisées, comme le passage d’une main sous la ganache pour enfiler le licol. »

Une nouvelle famille au mois d’août

Tag 6265 progresse heureusement de jour en jour. Gilliane Senn le manipule beaucoup à pied mais aussi en dextre avec ses autres chevaux, « afin qu’il s’habitue à me voir en hauteur ». La méthode porte ses fruits puisque mi-juin, la dresseuse a pu s’asseoir pour la première fois sur le dos de son mustang.

Les prochaines étapes seront la découverte d’un parcours de mountain trail en vue du concours, et bien sûr le débourrage. « L’objectif est qu’il soit serein, y compris avec quelqu’un sur son dos, puisqu’il est destiné à rejoindre une nouvelle famille après la vente aux enchères du mois d’août », souligne Gilliane Senn.

Gilliane Senn

L’artiste n’a en effet pas l’objectif ni la volonté de racheter son protégé à la fin de l’aventure, même si elle sait déjà qu’elle pleurera son départ à chaudes larmes. « Si je pouvais le garder je le ferais sans hésiter, car je l’adore. Il est très ancré dans le sol, très réfléchi et dès qu’il aura moins peur du toucher il sera un sacré cheval. Cependant, j’ai besoin de la petite commission que j’obtiendrai sur sa vente pour rentrer dans mes frais car je consacre de l’argent et surtout beaucoup de temps à cette aventure. Des personnes de mon entourage ont lancé l’idée d’une cagnotte mais ce n’est pas vraiment raisonnable et je tiens en priorité à assurer les frais et l’entretien de mes six chevaux. »

Si son programme de spectacles le lui permet, Gilliane Senn n’exclut par contre pas de retenter l’aventure Mustang Makeover l’année prochaine ou un peu plus tard.

Gilliane Senn,
© Zoé Humbert
Des chevaux à préserver

L’association American Mustang Germany organise l’aventure « Mustang Makeover » dans le but d’attirer l’attention sur ces chevaux menacés. Aux Etats-Unis où ils vivent en liberté, les mustangs font face à des conditions de vie de plus en plus difficiles en raison de la diminution des ressources et espaces naturels, ainsi que de leur surpopulation. Certaines politiques américaines menées ces dernières années ont mené à des abattages massifs de mustangs, mais il existe heureusement des programmes pour les capturer et les héberger dans des refuges en attendant de leur offrir une nouvelle vie. Actuellement, environ 47.000 chevaux se trouvent dans ces centres et les programmes tels que « Mustang Makeover » ont pour objectif de favoriser leur adoption.

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !