Carletto, un étonnant cheval de Grand Prix

Il y a quelques mois, Carletto est devenu le premier cheval de race Murgese à concourir en Grand Prix de dressage. De robe bleu rouan, les pieds nus et plutôt baroque, l’étalon casse les codes avec sa cavalière italo-néerlandaise, Jolanda Adelaar. C’est grâce à cette dernière que Carletto est arrivé à ce niveau, et Jolanda Adelaar ne compte pas s’arrêter en si bon chemin !

Carletto est né en 2009 au cœur de la région italienne des Pouilles, berceau de la race Murgese. A l’époque, personne ne se doutait que onze ans plus tard, l’étalon prendrait le départ d’un Grand Prix de dressage aux Pays-Bas… Ce projet un peu fou est la concrétisation d’un rêve d’enfance pour Jolanda Adelaar, cavalière de dressage italo-néerlandaise.

« Comme le Murgese, ma mère a des racines napolitaines et c’est pourquoi j’ai toujours été hantée par ces anciens chevaux de guerre un peu oubliés », raconte la jeune cavalière. « Dès que j’ai entendu parler de la race, j’ai eu envie d’emmener un Murgese en compétition de dressage. »

Pour réaliser ce rêve, Jolanda Adelaar a choisi Carletto, un étalon bleu rouan qu’elle a acheté à 3 ans et ramené aux Pays-Bas où elle est désormais installée. Carletto a été débourré et formé par Jolanda elle-même grâce à la méthode du renforcement positif – notamment le clicker training.

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Le couple a petit à petit gravi les échelons des compétitions régionales et nationales en Italie et aux Pays-Bas, jusqu’à dérouler son premier Grand Prix à Velsen-Zuid au printemps 2020. Une prestation qui a été sanctionnée d’un score de 66,9% ! « Emmener un Murgese en Grand Prix n’a pas été facile », avoue Jolanda Adelaar. « Cela n’a rien à voir avec Carletto personnellement, mais plutôt avec la politique dans le monde du dressage… Le rassemblé est très facile pour Carletto et, heureusement, c’est quelque chose qui est récompensé au haut niveau. En Grand Prix, il peut montrer son énorme potentiel pour le piaffer et le passage, et il obtient d’ailleurs souvent des 8 pour ces mouvements. »

« Un vrai cheval de guerre »

Comme la plupart des chevaux Murgese, Carletto combine ces aptitudes au dressage avec une certaine rusticité physique et mentale. La race descend en effet des légendaires destriers de l’empereur Frédéric II, qui avait choisi d’élever ses chevaux sur les hauts plateaux des Pouilles afin de fortifier leurs jambes et leurs sabots. Le Murgese moderne a conservé ces qualités, et Carletto est ainsi l’un des rares chevaux à concourir pieds nus en Grand Prix de dressage. « Ses tendons et sabots sont forts, il a une excellente santé globale et pourrait survivre seul dans la nature », estime Jolanda Adelaar.

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Au niveau du caractère, sa cavalière confie que Carletto est « un vrai cheval de guerre », ce qui lui vaut d’ailleurs le surnom de Rocky Balboa. « Il n’a peur de rien et est très intelligent. Quand on le monte, on se sent en sécurité. Contrairement à mon autre cheval Guus qui est ami avec tout le monde, Carletto est le cheval d’une personne et je suis chanceuse qu’il m’ait donné son cœur. Il traverserait le feu pour moi. »

Cette complicité entre Jolanda et Carletto constitue la force de ce couple atypique. Même si l’objectif du Grand Prix est désormais atteint, la cavalière italo-néerlandaise ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et rêve un jour de représenter l’Italie aux Jeux olympiques avec Carletto.

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« Je ne fais pas simplement de la compétition pour moi-même, mais aussi pour montrer le potentiel de cette race oubliée », confie-t-elle. « Comme les Lusitaniens et les PRE, le Murgese a beaucoup de talent pour le travail rassemblé et, en tant que cavalière passionnée de dressage, cela me fend le cœur quand un cheval est gâché.

L’Italie est célèbre pour sa riche histoire médiévale, mais l’héritage équestre du Sud du pays semble aujourd’hui s’être évaporé contrairement à l’Espagne ou le Portugal qui fleurissent avec leurs chevaux baroques en dressage. Hélas, en Italie, la plupart des gens qui font de la compétition achètent des chevaux allemands et néerlandais. Même en Italie, on voit rarement des Murgese concourir. »

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Jolanda Adelaar compte sur ses apparitions en compétition avec Carletto pour redorer l’image du Murgese et le faire connaître. Depuis peu, l’étalon est aussi disponible à la monte dans toute l’Europe, et pour toutes les races. « Il est un atout pour amener du sang nouveau aux Frisons et aux chevaux de sport », souligne sa cavalière. « Il peut améliorer la santé globale et le tempérament sous la selle. Son caractère convient aussi bien aux débutants qu’aux cavaliers professionnels. Et puis, il a cette robe bleu rouan magique héritée de ses ancêtres, et il transmet aussi bien cette couleur que le noir à ses produits. »

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !