Un guide pour déceler l’inconfort chez le cheval

Grâce à des milliers d’heures d’observation, des scientifiques américaines ont pu établir un catalogue complet et précis des comportements qui révèlent l’inconfort chez le cheval. L’outil permet de mieux comprendre les équidés, mais les recherches qui ont mené à son élaboration ont aussi révélé des données intéressantes sur la façon dont les chevaux peuvent masquer leurs douleurs.

cheval
© Pixabay

Les chevaux sont des êtres sensibles mais aussi subtils, c’est pourquoi il n’est pas toujours évident de déceler les signes de douleur ou d’inconfort qu’ils peuvent manifester. Catherine Torcivia et Sue McDonnell, deux scientifiques de l’École de médecine vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie, ont décidé de se pencher sur la question.

Elles se sont basées sur 35 ans de recherche et des milliers d’heures d’observation et d’évaluation des chevaux pour établir un éthogramme ou catalogue des comportements que l’on peut associer à l’inconfort physique équin. Objectif : permettre une compréhension universelle et sans ambiguïté de ces malaises. Reconnaître avec certitude un inconfort est non seulement utile pour assurer le bien-être des chevaux sains ou malades, mais aussi pour la sécurité de ceux qui les fréquentent et s’en occupent.

Des outils du genre existaient déjà, mais aucun n’était aussi détaillé et complet que l’éthogramme constitué par les deux Américaines. Leur catalogue rassemble en effet 73 comportements au repos expliqués à l’aide d’un croquis, d’un petit texte et d’une illustration en vidéo.

Ces différents comportements ont été classés en 8 catégories :

  • posture et support du poids du corps
  • mouvements des membres et du corps
  • mouvements de la tête, l’encolure, la bouche et les lèvres
  • attention à l’environnement
  • mouvement des oreilles et de la queue
  • comportement général
  • modification de l’alimentation ou de l’abreuvement
  • vocalisations et sons audibles

Chaque comportement est aussi nuancé. Les scientifiques précisent par exemple qu’un cheval qui se tient ou se déplace avec une encolure basse, en dessous de l’horizontale, est peut-être épuisé ou terne, mais que cette position n’est pas anormale en cas de repos profond.

Le cheval est capable de masquer son inconfort

Au cours de leurs études, les deux scientifiques ont aussi fait d’autres constats intéressants. Elles ont par exemple remarqué que les chevaux se sont habitués à montrer moins de signes de douleur en présence de prédateurs, dont les humains. Elles ont quantifié cela grâce à un suivi vidéo auprès de 20 chevaux hospitalisés pour des raisons orthopédiques.

« Chez ces patients, les comportements d’inconfort en cours ont diminué ou ont complètement cessé pendant les visites de soignants et ont repris une fois que les soignants étaient partis », ont observé Catherine Torcivia et Sue McDonnell. « Ces patients ont affiché une réduction moyenne de plus de 75% du nombre de comportements d’inconfort par minute lorsque des soignants étaient présents, et 30% de ces patients ont complètement cessé de pratiquer des comportements d’inconfort pendant la visite du gardien. »

Le bâillement n’est pas forcément un signe d’inconfort, sauf s’il devient fréquent et forcé (© Christophe Bortels)

Les scientifiques estiment qu’il est important de tenir compte de ce phénomène, car il peut entraîner une sous-estimation de la douleur chez le cheval. Pour contourner le problème, elles recommandent d’observer aussi les équidés à distance et sur le plus long terme afin de pouvoir évaluer de manière fiable les éventuels signes d’inconfort. Car à l’inverse, un comportement de l’éthogramme exprimé une seule fois n’est pas forcément une preuve de douleur ou d’inconfort : il peut s’agir d’un événement isolé et/ou lié à d’autres causes.

Enfin, les chercheuses américaines soulignent que leur éthogramme n’a pas vocation à être un outil de diagnostic indépendant. Il sert plutôt à fournir des informations supplémentaires et détaillées, notamment aux vétérinaires.  

L’éthogramme complet et les vidéos sont disponibles en cliquant ici

Marie-Eve Rebts

Co-fondatrice de Cheval-in, Marie-Eve est cavalière depuis plus de vingt ans, et journaliste équestre depuis une dizaine d'années. Elle pratique le dressage mais adore le monde équestre dans sa globalité, et s'est même essayée avec joie à de nombreuses disciplines comme l'équitation américaine, le TREC ou le horse-ball !